Charmé par Samaël, Magnus minimisa les dérives idéologiques de son fils avec facilité étant donné les impératifs qui étaient les siens. En cette fin du quatrième siècle Luminariien, après l'empire, l'ombre, Nephee, les Descendants ou la Colline, un nouveau sujet allait réussir à intriguer le sorcier.
382 entra en effet dans les annales de l'histoire ombrescente d'une manière assez inattendue, même pour Magnus. Commandés par Abaddon et Maelströ, les nombreux raids des services de renseignements océaniens menés vers la Surface allaient porter des fruits bien différents que ceux escomptés.
Au début de cette année, un groupe d'élite océanien fit la rencontre de plusieurs humains sur les côtes ouest, non loin du Pic des Quatre Vents, avec qui ils purent rapidement ouvrir le dialogue. Issus de la Colline, ces hommes et femmes représentaient aux yeux de l'empire des intermédiaires stratégiques qui leur permettraient de tâter le terrain diplomatique en vue d'une alliance avec le promontoire du roi Luminarii.
Membres de l'équipe d'élite appelée "escouade pancratienne", ou "escouade zéro", ces soldats de la Colline expliquèrent bientôt leur mission aux océaniens. Leurs prérogatives étaient, notamment, de surveiller la construction de ce singulier édifice qui s'élevait sur une île perdue dans le Vastazul, et qu'ils nommaient Norr Giliath.
Historiques, ces premiers échanges entre l'escouade zéro et les océaniens allaient donner naissance aux premiers pourparlers entre la Colline et la Citadelle. Toutefois, à la Surface, ce ne fut pas Luminaria qui noua le premier lien avec Magnus.
Norr Giliath ayant très tôt repéré les océaniens, les Spahis et les Aéromanciens entrèrent dans la danse politique, prirent de pied les discussions en cours avec la Colline et proposèrent à l'empereur une rencontre les premiers. En 384, Magnus, le prince et les archidémons se rendirent à la prison du Monde.
Deep nota dans ses Mémoires que les discussions de Norr Giliath furent des plus cordiales, et que l'empereur sembla enchanté de ce voyage, à la différence de son fils qui détesta son séjour et qualifia l'île de "pitoyable caillou". Plusieurs accords furent passés entre les deux parties. D'un côté, la prison accepta de recueillir nombre d'Invocateurs turbulents qui ne cessaient de remplir les geôles de la Citadelle. De l'autre, Magnus, en concertation avec Guido, proposa aux Crieurs volontaires de rejoindre la prestigieuse garde de Norr Giliath¹.
Ce voyage réveilla l'entrain de l'empereur qui allait considérer de nouveau la Surface, Norr Giliath et surtout la Colline comme les priorités de son règne. Et si ce lien ravivé avec les Humains n'étaient pas aux goûts de tous les arcanistes, encore moins de Vincere, le séjour à la prison du Monde allait se conclure par un événement qui allait fortement déplaire à ces derniers.
Après cette célèbre entrevue de l'année 384, alors qu'il s'apprêtait à regagner son empire, le regard perçant de Magnus aperçut, au loin, en haut des falaises côtières, une femme qui semblait le scruter. Poussé par sa curiosité et malgré les réticences de ses conseillers, le sorcier s'en alla en direction des terres, puis partit seul à la rencontre de cette mystérieuse personne.
Il s'agissait d'une femme très ordinaire, minuscule en comparaison de l'empereur, bien que sa tenue droite lui donnait une forme de grandeur. Il n'oublia jamais leur première conversation. Celle-ci lui fut tant mémorable qu'il nous en a laissé le contenu précis dans ses Mémoires :
— C'est un être bien sombre que vous gardez à vos côtés, lui lança-t-elle.
— N'avez-vous jamais vu d'asura ? Il en existe des milliers comme Akuma, là d'où je viens.
— Je ne parle pas de votre archidémon...
— Comment savez-vous qu'il est mon... murmura Magnus
— Je parle de votre engeance, coupa-t-elle.
Magnus tourna brièvement son regard vers Vincere, et esquissa un petit sourire.
— Vous n'avez pas idée à quel point il est plus lumineux que tous ceux qui m'accompagnent, rétorqua le sorcier avec un rire malicieux.
— Parce qu'il est le fils de Nephee ?
L'air amusé de l'empereur s'effaça en un instant pour laisser place à un sérieux qui ne présageait généralement rien de bon.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il.
— Je m'appelle Ulsia, et je suis divinatrice.
— Une divinatrice... Vous venez de Rishi.
— En effet.
Magnus s'orienta de nouveau vers son fils et ses conseillers, s'assurant qu'aucun ne pourrait les écouter :
— Comment savez-vous ?
— Je sais beaucoup de choses, empereur Magnus. Je sais que Nephee vous a quitté pour la même raison que Thormir a quitté ce monde. Je sais que votre âme souffre de l'absence de la mère de votre enfant. Je sais qu'elle souffre du traitement que votre devoir vous impose quant aux Invocateurs. Je sais aussi que l'enfant a une destinée qui nous dépasse tous, qui dépasse même la vôtre qui est pourtant déjà si importante.
— Que lui arrivera-t-il ?
— La question qui vous concerne le plus à son propos ne devrait pas être "que lui arrivera-t-il ?" Mais "que m'arrivera-t-il ?"
Magnus pris quelques instants de réflexion, avant de reprendre la conversation :
— Que faites-vous ici ?
— Je viens vous accompagner à la Citadelle, répondit Ulsia.
— Je ne vous y ai pas invité.
— Pas encore.
— Pourquoi croyez-vous que je le ferais ? demanda l'empereur.
— Parce que les Humains vous fascinent, et qu'après votre succès à Norr Giliath vous vous emballez déjà pour la Colline. Pourtant, il y a bien des choses que vous devriez savoir à son sujet. Le lieu est maudit, et les négociations avec Hieros Luminarii seront plus aisées qu'avec Pancratius certes, mais elles n'en resteront pas moins délicates.
— Et vous pourriez m'aider ?
— Vous connaissez déjà la réponse, monseigneur, dit la divinatrice.
— Personne ne doit...
— Savoir pour Nephee ? Ne vous inquiétez pas, ce sera notre secret.
Intrigué, Magnus finit par laisser échapper un sincère sourire avant de se retourner vers les siens.
— Alors ? demanda Ulsia.
— Est-il vraiment nécessaire de poser une question dont vous connaissez déjà la réponse ? rit l'empereur.
Et c'est ainsi que la divinatrice Ulsia devint la première femme de l'histoire, la première représentante de son espèce, à rejoindre la Citadelle.
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1. Les Crieurs représentants l'une des espèces des Profondeurs les plus sensibles à la lumière, un certain nombre de dispositions particulières allait devoir être pris, comme le maintien constant au-dessus de l'île d'un ciel couvert, imperméable aux rayons du soleil.
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La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers
FantasiaDes siècles avant les événements relatés dans la saga "La Colline", un jeune sorcier avait révolutionné les Profondeurs, tout comme son fils allait le faire après lui. Le Mythe des Deux Sorciers est une double biographie consacrée aux vies de Magnus...