La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers

Part.IV - 2.2 : Le jeune mage

Ryotaro était né à Febehl, comme la majorité des Mages de la Surface. Il y avait été formé au temple, par l'archonte Shojuro, jusqu'à développer des dons particulièrement impressionnants. En toute logique, on prédit à Ryotaro un immense avenir, et une des fonctions les plus notables de la cité. Il n'était pourtant pas dans sa nature de s'enraciner à Febehl, et il quitta les siens dès la fin de l'adolescence. Quelques mois avant son départ, il avait eu l'occasion de côtoyer le petit-fils de l'archonte Shojuro, un jeune homme lui aussi promis à de grandes choses.

C'est en quête de cet enfant que partit Ryotaro. En quittant la Citadelle, il avait la conviction que celui qui pourrait pallier au problème de l'empereur n'était nul autre que ce garçon nommé Kanô.

Le portail de la grotte emprunté, l'expérimenté mage s'enfonça dans le Primo Bosco en suivant le chemin qui le mènerait à Febelh. Il n'eut pourtant pas besoin de rejoindre la cité. A l'orée du bois, l'aura du petit-fils de Shojuro lui apparut très clairement, errant alors dans les plaines, non loin des falaises mages. Ce n'était qu'une question de jours avant que Ryotaro ne le retrouve.

L'adolescent vagabond reconnut très vite le célèbre Ryotaro qu'il avait côtoyé à Febehl. Il l'interpella avec ces mots :

— Grand-père Shojuro est mort.

— J'en suis désolé, répondit le soldat de Nephyl avec sincérité.

— Que vais-je faire maintenant, Ryotaro ? Qu'est-ce qui va advenir de moi ?

— Pourquoi as-tu quitté Febehl ?

— Il était la seule famille qu'il me restait, je n'ai plus personne, plus rien. Je n'ai même pas de but...

— Je suis venu te chercher, Kanô. Si tu l'acceptes, je te conduirais auprès de l'empereur des Profondeurs...

— Magnus ?

— Non, Nephyl. Son successeur. Il a de hautes ambitions et mènera notre monde là où il doit aller, quel qu'en soit le prix à payer.

— C'est à dire ?

— La Colline est l'une de ses cibles. Il désire la détruire.

— Je n'ai pas hérité de la haine de nos ancêtres pour les Protecteurs de Luminaria, Ryotaro. Je me moque de la Colline, ses habitants ne m'ont rien fait.

— Je pense comme toi. Mais je suis prêt à suivre ce sorcier jusqu'au bout.

— Tu as l'air d'avoir confiance en lui.

— Je ressens bien des choses autour de lui, et je donnerais ma vie pour sauver la sienne, sans hésiter. Je ne t'en demanderai pas tant, mais je sais que tu pourrais lui être utile. Je sais que tes talents sont de ceux qui marqueront l'histoire. Encore une fois, je ne te contraint à rien. La décision t'appartient.

Le jeune Kanô s'accorda le temps de la réflexion quelques instants, avant de reprendre, songeur :

— Tu sais ce qu'il m'a dit avant de partir ? Grand-père m'a dit que nous n'avions jamais été aussi proche du Grand Effondrement. Que nos modes de vie, à nous, Humains, notre passé, notre avenir, tout allait inéluctablement nous mener vers la fin des Temps. Et il semblait persuadé que j'aurais un rôle à jouer, pour que nous puissions rêver d'un lendemain meilleur.

— Et tu le crois ?

— Je l'ignore...

— Moi, je le crois. Un garçon de ton âge qui est ainsi prêt à quitter amis et foyer, un jeune homme qui a déjà conscience de la gravité des événements qui nous attendent, ça me donne une impression de courage, de sens du sacrifice et de grandeur d'âme.

— Alors... Toi aussi tu es certain que le Grand Effondrement nous guette ?

— Je pense que bien des menaces nous guettent constamment, Kanô. Tout n'est qu'une question d'échelle, de perspective. L'animosité ancestrale de Febehl pour Luminaria est une chose que j'entends, mais qui ne m'intéresse pas. Ce que s'apprête à affronter l'empereur Nephyl, ça, ça me parle. Entre Febehl et le monde, entre l'honneur et la survie, mon choix est fait. Et toi ?

Kanô et Ryotaro quittèrent les plaines de la Surface puis empruntèrent le portail de la caverne du Primo Bosco afin que le jeune mage découvre le domaine de Phrone. Après son peuple, ses proches, sa cité, il abandonnait la Surface, embrassant une existence bien différente de celle qu'il s'était figuré, une existence qui, il le savait, correspondait bien plus aux idées que s'était fait son grand-père Shojuro.

Très tôt, Kanô fut considéré avec respect et intérêt par l'empereur Nephyl. Il faut dire que les pouvoirs du jeune mage étaient particulièrement adaptés à ce dont il avait besoin. Kanô, en effet, avait le don de manipuler les esprits, de contrôler les Hommes. Pour être plus précis, il pouvait maîtriser la volonté de toute personne plus jeune que lui.

"Son pouvoir ne fera ainsi que croître au fil des ans, confortant toujours plus, si besoin en est, qu'il est un mage d'exception" avait lancé Ryotaro pour expliquer son choix.

Et c'est ainsi que le jeune Kanô, armé de son pinceau, acheva sa formation à la Citadelle, auprès de Ryotaro, tout en tentant d'attirer les enfants les plus prometteurs qui se trouvaient entre les remparts de la Colline.