Part.I - 1.3 : Grandir à l'abri d'un monde belliqueux

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Si la trahison de la faction invocatrice, les Nuits Pourpres et l'établissement de la Colline furent considérés dès leurs contemporains comme des actes fondateurs des histoires Humaine et, bien entendu, Ombrescente, ils ne connurent qu'un écho très modéré dans les Profondeurs.

Le mouvement perpétuel des populations sorcières rendait la diffusion de l'information particulièrement complexe. Aussi, alors que les premiers Humains foulaient le domaine de Phrone dès 164 av. I.L. soit un gros siècle avant la naissance de Magnus, celui-ci peinait encore à comprendre ce qu'était un Homme, et quelles pouvaient être ses motivations et valeurs.

En d'autres termes, au moment où la paix fut signée entre empereur et Invocateurs, Magnus n'avait aucune idée de ce que représentait réellement un Humain, et a fortiori un invocateur. Il n'avait aucune idée de la menace que ladite faction pouvait représenter aux yeux de l'empire. Et il n'avait surtout aucune idée de la précarité de la paix maintenue dans les terres de Phrone. C'est pourquoi Magnus a avant tout perçu son enfance comme un âge de parfaite insouciance.

De sa venue au monde en 36 av. I.L. jusqu'à la moitié du premier siècle du calendrier Luminariien, Magnus jouit d'une vie paisible, heureuse, en dépit des difficultés que rencontraient les siens, et surtout dissociée de l'existence de l'empire nergalien. Cantonné à l'agriculture et au commerce, le jeune sorcier ne connaît de l'empereur que son nom et de l'empire que peu de choses. Les concepts qu'il aime étudier ne restent que des notions floues, presque irréelles, un monde que Magnus a créé dans son esprit mais qui, dans les faits, ne correspond pas vraiment à la réalité. C'est une discussion des plus banales qui lui fit prendre conscience de la gravité de la situation.

La date nous est incertaine, début du deuxième siècle Luminariien sans doute, mais nous localisons l'échange aux abords de la colonie de Dolgoren, où se réunissait un des plus importants marchés du sud.

L'événement était incontournable et Magnus affrontait sans rechigner de rudes journées de marche pour y participer. En bon négociant, il écoulait sans peine ses stocks et troquait de quoi améliorer le quotidien de son foyer. Mais quand sonna l'heure du retour, une tempête éclata dans les plaines du sud, immobilisant toute créature. Magnus passa alors les deux semaines suivantes avec un certain nombre d'êtres aussi différents par leur aspect que par leurs pensées.

Autour d'un petit feu convivial, Magnus s'était installé avec un trio de mineurs asuras, des vendeurs de pierres, peu loquaces comme le reste de leurs semblables. Un djinn, attiré par l'attroupement généré par le marché, s'était mêlé à eux, ainsi que quelques chimères prises au dépourvu par l'ouragan. Un vieux sorcier égaré et deux jumeaux possédés complétèrent le groupe. Les premiers jours furent silencieux, mais très vite la glace se brisa et les débats devinrent intéressants.

"Le crépuscule menace, notre domaine n'en sortira pas indemne".

Le vieux sorcier marmonnait dans sa barbe grise et clairsemée des phrases de ce genre, que la plupart des créatures à ses côtés ne prenait pas la peine d'écouter, à la différence de Magnus. Réservé en public, le fils de Potens et Sapia n'osait pas rompre le silence régnant, avant que sa curiosité ne l'emporte.

— De quoi parlez-vous ? lui demanda-t-il à voix basse.

Aveugles, les yeux blancs du vieillard se tournèrent vers leur nouvel interlocuteur.

— La paix chancelle... Le traité n'est que mascarade... lâcha-t-il dans un murmure hésitant. Ce n'est plus qu'une question de semaines avant qu'ils ne frappent.

— Qui ? l'interrogea Magnus.

— Ne prête pas attention aux divagations d'un vieux sorcier, lui conseilla l'un des jumeaux possédés.

La Colline - Le Mythe des Deux SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant