La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers

Part.III - 3.2 : Affrontements

Personnification de la détresse de Magnus, une violente tempête balayait tout l'empire depuis le passage de Jie de Mithrida à la Citadelle. Réfugié dans ses appartements, l'empereur observait l'horizon avec plus d'inquiétudes qu'il ne pouvait le supporter. Il venait d'envoyer ses meilleurs soldats affronter son fils, son propre enfant. Il avait échoué, échoué à ramener Vincere à la raison, échoué à mériter l'amour de Nephee. Des obstacles qu'il avait connus au cours de sa vie, c'était là, de très loin, le plus difficile à surmonter.

Armée de son fidèle sabre, Ælisia quitta le palais avec à ses côtés les deux plus redoutables arcanistes de l'empereur ainsi que son garde personnel. Le Profanateur, jeune et prodigieux sorcier, se frottait les mains à l'idée de donner une autre bonne leçon à l'héritier ingrat de Magnus. L'Apocryphe, lui, se montrait plus méfiant, car il savait combien Vincere avait développé les plus noirs de ses talents. Il savait aussi que Samaël n'était pas un vulgaire possédé, et qu'un invocateur représentait, à tout âge, une menace à ne pas sous-estimer.

Suivant les troupes de reconnaissance d'Akuma, les quatre combattants s'enfoncèrent en direction du sud-est, vers les montagnes où ils avaient localisé le prince et ses camarades. Après des jours de traque acharnés, les arcanistes, le crieur, l'épéiste et les asuras qui les accompagnaient tombèrent nez-à-nez avec Vincere, Samaël et Sohl.

De longs instants, le prince dévisagea ses opposants sans rien dire. Il connaissait leurs intentions, et savait qu'il n'y avait rien à faire. Les soldats envoyés par la Citadelle ne cherchèrent pas à converser non plus. Tout avait déjà été dit, tout avait déjà été tenté. Le combat était inévitable.

— As-tu quelque chose à ajouter, Vincere ? s'exclama Ælisia.

— Il n'y a plus de Vincere, répondit-il sans son rictus habituel. Il n'y a plus que Nephyl, ajouta-t-il avec gravité.

Fougueux, le jeune Sohl ouvrit d'un geste féroce le manuscrit de Manès et plaqua sa paume sur l'une des premières pages. Ælisia savait pertinemment ce que représentait cet ouvrage, sans parler des deux arcanistes. Il ne fallut pas plus d'une seconde à l'épéiste pour rejoindre l'invocateur et, d'un geste précis, trancher en deux le vieux livre. Le Démon invoqué n'eut pas le temps d'apparaître, et d'un violent coup porté à la nuque, Ælisia plongea Sohl dans l'inconscience.

Surpris par la célérité de la jeune femme, Vincere la repoussa au loin d'un geste brusque alors que Samaël chargeait l'Apocryphe comme un buffle colossal. Le vieil arcaniste para l'attaque du possédé des deux mains, non sans vaciller, mais parvint à le projeter à son tour au sol, avec brutalité. Alors que le Profanateur se ruait sur Vincere pour le mettre hors d'état de nuire, Samaël sentait déjà les ténèbres du Lieutenant en lui l'envahir. L'Apocryphe posa un doigt sur chaque paupière du possédé, et l'endormit en un instant.

Il ne restait plus que le prince.

Le Profanateur, se remémorant la raclée donnée au jeune sorcier dans les geôles, pensait sans doute pouvoir mettre un terme à leur confrontation en un rien de temps. Le jeune sorcier était pourtant devenu bien plus redoutable, tant par ses aptitudes physiques que ses dons magiques. L'Apocryphe se mêla aux échanges. Ælisia, estomaquée de voir le jeune sorcier ainsi tenir tête à deux des plus puissantes créatures de l'empire, ne parvenait plus à bouger. Une part d'elle, sans doute, craignait pour la vie qui prenait forme dans son ventre. De même, sans doute nostalgique de l'enfant qu'il avait appris à aimer, Guido ne put se résoudre à attaquer le prince.

Quelques asuras tentèrent leur chance, croyant bien faire, mais ils finirent en charpie d'un simple contact avec leur ennemi. Comme s'il avait fait ça toute sa vie, le prince se défendait comme les plus grands champions de l'histoire ombrescente. L'histoire, toutefois, se rappela surtout de sa défaite. Éreintés, le Profanateur et l'Apocryphe avaient réussi à l'immobiliser et à le rendre inoffensif.

Les asuras étripés, l'Apocryphe s'en alla rejoindre la Citadelle pour prévenir l'empereur, alors qu'Ælisia, le Profanateur, Guido et les prisonniers se rendaient en hâte à Norr Giliath.