Pendant plus d'un siècle, la menace que représentaient les Invocateurs avait pu être apaisée, mais pas étouffée. Leur ambition démesurée ne fit en réalité que croître à mesure que les années s'écoulaient, et bien vite ces Hommes ne parvinrent plus à se satisfaire de leur sort. Ils étaient devenus plus nombreux, plus puissants, et leur capitale, Ness-Terath, devenait plus opulente encore que la Citadelle. Forts de cet âge d'or, ils finirent par bafouer leurs promesses et prirent leur destin en mains. L'empereur Nergal étant déjà bien âgé, les Invocateurs nourrissaient le projet de nommer eux-mêmes son successeur : Lior.
Nous savons aujourd'hui que les accords de paix signés en l'an 5 par Nergal et les Invocateurs n'avaient aucune valeur aux yeux de ces derniers. Orgueilleux, conscients de leur puissance mais aussi clairvoyants, les grands de Ness-Terath savaient qu'une attaque précoce contre l'empire se heurterait à la robuste résistance de l'Ombrescence. Tout du moins, il s'agissait de la pensée en ce milieu de siècle. Au lendemain des Nuits Pourpres, le réel et inavoué projet des Humains avait ainsi été de se replier sur leur capitale, la développer, capturer toujours plus de Démons discrètement, et lever une armée comme jamais les Profondeurs n'en avaient connu. Alors, tôt ou tard, leur hégémonie sonnerait.
Lior serait celui qui incarnerait la gloire de son peuple.
Descendant des signataires du fameux traité de l'an 5, Lior incarnait le marteau de vengeance forgé par quatre générations d'Invocateurs, une arme créée pour s'abattre sur l'empire. Il était un homme au visage sévère et à la carrure impressionnante, tous deux façonnés par les terribles années d'entraînement propres à Ness-Terath. Mais sa légende, il ne la doit qu'à lui-même, son génie, ses sacrifices, et un destin que l'histoire ne peut qualifier en d'autres termes qu'immense ou grandiose¹.
Formé, comme les enfants de son âge, à l'Institut d'Invocation de Ness-Terath, Lior s'illustra dès son plus jeune âge par son sens de la mesure et son intelligence. Ses proches, ses professeurs, les individus qu'il côtoyait au quotidien, tous s'accordaient sur son charisme et ses capacités. Son destin semblait déjà tout tracé, et très tôt il témoigna d'un caractère à la hauteur de ces attentes, en atteste son célèbre - et très risqué - discours lors de son passage à l'épreuve finale du Duel.
Il était de coutume, chez les Invocateurs, que les adolescents ayant achevé leur formation s'affrontent dans des combats à mort, et ce en dépit des grandes aspirations politiques de Ness-Terath. Ce Duel, condensé de barbarie, était la parfaite illustration du leitmotiv invocateur : seuls les plus forts survivent.
Il est dit que, bien trop supérieur au reste de sa promotion, il fut proposé à Lior de combattre non pas l'un de ses camarades, mais son maître. Celui-ci accepta. Orell le Maître était alors un enseignant fier d'une réputation certaine, respecté par la communauté pour ses talents pédagogiques comme au combat. Lors de ce Duel, Orell avait plus de quarante-ans, alors que Lior n'en avait que seize. Le jeune apprenti terrassa tout bonnement le maître. Toutefois, lorsque vint le moment d'administrer le coup fatal, Lior se contenta de refermer son manuscrit et de faire disparaître le minion qu'il avait choisi pour combattre.
Jamais tel affront n'avait été fait dans l'Arène de Ness-Terath. Jamais un enfant n'avait eu l'audace de provoquer ainsi les foudres de la foule et de piétiner les traditions de sa jeune faction. Face aux prestigieuses assemblées venues assister au spectacle, Lior se serait alors exclamé :
"À toi, Ness-Terath, qui te targue des plus hautes ambitions, de combien de fils et de filles désires-tu encore verser le sang avant de marcher vers le progrès² ?"
Son coup d'éclat lui valut certes un bref séjour dans les lugubres prisons de la cité, mais surtout la sympathie de ses concitoyens qui très vite réclamèrent sa libération. Dès lors, pendant plus de dix ans, il prit le temps de parfaire ses dons, son savoir, jusqu'à devenir un maillon indispensable de la machinerie invocatrice.
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La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers
FantasyDes siècles avant les événements relatés dans la saga "La Colline", un jeune sorcier avait révolutionné les Profondeurs, tout comme son fils allait le faire après lui. Le Mythe des Deux Sorciers est une double biographie consacrée aux vies de Magnus...
