La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers

Part.II - 5.1 : Fils de Magnus le Faible

De sa naissance jusqu'au massacre des Chimères, Vincere connut quelques désaccords avec son père, concernant les Faucheurs ou, surtout, les Humains. Ça n'allait jamais au-delà d'une petite dispute et toujours, tôt ou tard, père et fils se retrouvaient pour faire la paix. Certes, leurs premières divergences à propos de la Colline ébréchèrent leurs relations, mais rien de définitif. 

Apprendre la tragédie de 401 brisa le cœur de l'enfant. D'imaginer les créatures avec lesquelles il avait passé son enfance se faire tuer par ces bouchers d'humains rendit malade Vincere pendant plusieurs jours¹. Dès que l'Ombrescence réclama vengeance, il fut parmi les premiers à acquiescer et demander à se battre. La décision de Magnus fut un second choc, une trahison à ses yeux, une trahison d'autant plus difficile à avaler qu'il aimait profondément son père et ne comprenait pas un tel choix. 

"Magnus le Faible". Entendre ce surnom le peina sincèrement la première fois. Voir ainsi le peuple que son père avait sauvé se retourner contre lui lui parut ingrat et immérité. Le voir ainsi traité avait de quoi traumatiser l'enfant. Il ne fallut pourtant pas longtemps avant qu'il n'utilise lui-même cette expression. Entre Chimères et Humains, Vincere avait facilement choisi son camp.

En rompant le contact avec le reste des siens au cours des années suivantes, Magnus rompait avant tout le lien avec son fils. Pourquoi Ulsia, une humaine, une Magéienne comme les Invocateurs, avait-elle droit au privilège de rentrer dans ses appartements et sa fameuse bibliothèque et non lui ? Cette énième incompréhension allait frustrer le prince à un point tel que cela se transformerait bien vite en une obsession. Il lui fallait alors trouver un autre moyen pour communiquer avec Magnus, car si lui désirait se couper des autres, il était pour Vincere impensable d'abandonner ainsi son père.

L'héritier se découvrit alors une appétence toute particulière pour l'un de ses jeunes pouvoirs : la télépathie. Bien différente de celle dont pouvait parfois user Magnus, bien qu'il détestait y avoir recours, il s'agissait d'une télépathie plus puissante et perverse encore. Vincere parvenait à entrer dans l'esprit des autres, lire leurs pensées, voir de leurs yeux, entendre de leurs oreilles.

Nombreuses furent ses victimes, comme Ulsia, bien qu'aucune d'elles n'en ait jamais eu vraiment conscience. Par ce biais, en pénétrant dans la tête de la divinatrice, Vincere parvenait à passer du temps avec son père, connaître ses opinions les plus secrètes dont seule Ulsia pouvait être gratifiée. Mais le stratagème ne dura pas longtemps et l'empereur se rendit compte des nouvelles aptitudes de son fils. La position délicate dans laquelle se trouvait Magnus lui rendait tout excès d'autorité compliqué, aussi il se contenta d'une simple mise en garde.

Dès lors, toute la cour impériale allait subir la nouvelle lubie du prince.

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1. Le prince passa en effet un peu plus d'une semaine au fond de son lit, victime de violentes crises de nausées et même de courtes périodes de ce que certains serviteurs qualifièrent de "démence".