En dépit des désaccords avec son père et sa politique, Vincere prit finalement la décision de suivre les conseils de Samaël et de tenter un rapprochement avec son paternel. Le prince n'étant malheureusement pas accoutumé des gestes ou paroles affectueux, il tâcha de faire au mieux.
En ces lignes déjà nous avons souligné l'amour, l'addiction même, qu'entretenait Magnus pour la végétation.
Comprenons-le bien, rien ne poussait dans les Profondeurs, rien ne pouvait, rien ne peut et rien ne pourra sans doute jamais y fleurir ou verdir naturellement. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Phrone lui-même s'était heurté aux conditions climatiques qu'il avait imposé à son domaine. Le Bois Maudit en demeure le témoignage le plus éloquent. Les arbres y sont nus, frêles, morts. La végétation de Fortë représentait la vie, une autre forme de vie que l'empereur-sorcier idolâtrait pour la même raison que son fils la haïssait : elle était issue d'un autre domaine. Et bien plus que sa verdure, ce fut la multiplicité des couleurs qui avait envoûté Magnus, car jamais les Profondeurs n'avaient connu de tels ravissements.
Parfois las de ce territoire noir et gris qui lui appartenait en partie, l'empereur chercha longtemps une solution pour y apporter une végétation, de la même manière que Phrone, bien avant lui. Tout comme le dieu créateur, il échoua. Quelqu'un pourtant y était parvenu après le retour de Magnus et ses gens de Norr Giliath, et ce quelqu'un fut Ulsia. L'adiantum qu'elle avait offert à son hôte dès son arrivée à la Citadelle ne fut que la première d'une longue collection de plantes résistantes au froid et, surtout, à l'absence de lumière. La serre botanique jouira de l'attention de Magnus autant que son gouvernement. Ce fut là sans doute l'erreur de l'empereur.
Vincere demeurait un enfant qui n'avait jamais connu sa mère, une mère dont Magnus refusait de lui parler. Le prince, de plus, considérait que Magnus avait renoncer à parfaire son éducation trop tôt, et cela uniquement pour pouvoir se consacrer davantage à administrer son empire et son peuple. Depuis plusieurs années, déjà, l'empereur posait un regard avec plus d'intérêt sur sa serre et les Humains que sur son propre héritier. Ce point de vue est évidemment subjectif, mais il était celui de Vincere.
Comment remédier à cela ? Pour le prince, il fallait récupérer cet amour que, il le croyait, son père n'avait pas le temps de lui accorder. Vincere voulut à son tour s'intéresser à la serre. Magnus n'avait alors autorisé l'accès qu'à une autre personne : Ulsia. Le jeune sorcier brava donc les directives paternelles et se rendit un jour jeter un œil aux plantes qui obnubilaient tant l'empereur. Mais malgré toute sa bonne volonté, malgré le désir sincère de tisser de nouveaux liens avec son père, il n'éprouva aucune forme de plaisir à observer cette végétation. Il chercha alors à comprendre où donc pouvait se cacher cette beauté qui paraissait tant criarde. Touchant les feuilles avec délicatesse, il tourna le regard vers les racines. Il les scruta, les caressa, puis en tira une, fine, hors du terreau. Il n'y avait aucune forme de violence dans son geste, aucune méchanceté, rien si ce n'était, peut-être une once de jalousie. On se rappellera que, à peine eut-il sortit la tige de terre, son poignet fut soudain saisi par une main rugueuse et autoritaire.
"Qu'as-tu fait ? Qu'as-tu osé faire ?" lui adressa Magnus.
Il y avait, dira Vincere des années plus tard, plus que de la colère, de la rage dans le regard de l'empereur à cet instant. Ça n'était pas voulu, l'a toujours assuré Magnus, mais sa brusquerie traumatisa malgré tout son fils.
Des années durant, Magnus s'excusera de ce moment, encore et encore, mais le mal avait été fait. Quelque chose entre son enfant et lui s'était brisé, quelque chose qui jamais ne pourrait être rétabli. Vincere avait mis de côté ses opinions à propos du gouvernement de son père, mais après cela, il se promit d'être honnête avec lui-même et d'assumer ses positions. La défiance allait dès lors embraser le cœur du prince, jusqu'à ce qu'une crise comme jamais le Monde n'en avait encore connu ne vienne tout bouleverser.
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La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers
FantasyDes siècles avant les événements relatés dans la saga "La Colline", un jeune sorcier avait révolutionné les Profondeurs, tout comme son fils allait le faire après lui. Le Mythe des Deux Sorciers est une double biographie consacrée aux vies de Magnus...