Sapphire Eyes (Terminé)

Chapitre 64

— Tu es sûre de toi ?

Gareth me pose cette question une énième fois depuis que j'ai décidé de rencontrer mon père biologique. Et c'est toujours la même réponse de ma part :

— Oui, je suis sûre.

J'ai également pris la décision de le faire seule même si le soutien de mon amoureux aurait pu m'aider. Mais c'est quelque chose que je dois faire seule. La nervosité me noue l'estomac mais j'essaie de passer outre en sortant de la voiture pour me diriger vers le café parisien. J'embrasse une dernière fois Gareth avant de partir.

J'ai donné rendez-vous à Jérôme dans ce petit café de la capitale pour que l'on puisse se rencontrer en terrain neutre. De plus, les boxes permettent d'avoir une certaine intimité. De toute façon, si ça ne va pas, Gareth est dans les parages, prêt à me secourir.

Je pousse la porte de l'établissement cosy et quand une serveuse passe près de moi, je l'interpelle :

— Bonjour, une table pour deux s'il vous plaît. La deuxième personne arrive bientôt.

Elle me conduit dans une alcôve au fond de la salle où je m'installe. Elle pose deux menus sur la table puis se retire. Je retire mon manteau et savoure la chaleur ambiante qui contraste vivement avec le froid glacial de ce mois de mars.

Je jette un œil à ma montre, deux heures moins le quart. Je lui ai donné rendez-vous à quatorze heures, il ne devrait pas tarder.

Ces minutes d'attente sont presque pires que la première fois où Gareth est venu dîner à mon appartement. Je ne tenais pas en place, voulant que tout soit parfait. Là, je me retiens de me lever et de faire les cent pas. Pour me détendre, j'ouvre le menu et commence à le lire.

Je suis déjà venue plusieurs fois dans ce café, et à chaque fois je prends la même chose : du thé au jasmin et un muffin aux myrtilles. Même si je sais que je vais commander cela, ça ne m'empêche pas de feuilleter le menu. Et puis, ça m'occupe les mains et un peu le cerveau aussi.

Un raclement de gorge discret me fait presque sursauter. Je pose le menu et lève la tête pour rencontrer une paire d'yeux émeraude identiques aux miens qui me détaillent. Plutôt bel homme, les cheveux blonds comme les blés malgré sa cinquantaine d'années, une silhouette svelte, Jérôme Moreau se tient devant moi. Je ne l'avais jamais vu auparavant, juste une photo envoyée par ma mère il y a quelques semaines.

Je me lève pour lui serrer la main mais il reste bouche bée, le regard rivé à mon ventre arrondi. Je vois que ma mère ni personne d'autre ne l'a prévenu quant à mon état.

— Bonjour, dis-je, timidement, en lui tendant la main.

— B... Bonjour, Louise, bredouille-t-il, encore sous le choc.

Il semble presque sous le choc. Je le comprends, rencontrer sa fille biologique plus de vingt ans après et la découvrir enceinte doit faire beaucoup à assimiler.

Je m'assois et il fait de même.

Nous nous observons dans un silence gêné. Personne n'a inventé Le Guide pour rencontrer son père biologique vingt ans plus tard. Et c'est bien dommage.

La serveuse de tout à l'heure met fin au silence qui commençait à devenir embarrassant. Nous passons nos commandes, pour moi un thé et un muffin et pour lui un café. Dès qu'elle s'est éclipsée, Jérôme prend la parole, brisant la glace :

— Bon, je vais paraître un peu brut de décoffrage mais certaines choses doivent être dites. (Il marque une pause.) Je suis désolé de ne pas avoir pu te rencontrer avant, désolé de ne pas avoir plus insisté auprès de ta mère pour te dire la vérité et je n'attends pas de toi que tu me considères comme ton père.