Chapitre 62

911 45 0
                                    

Le lendemain, alors que je vais à la cuisine pour le petit déjeuner, j'entends des éclats de voix en passant devant le bureau de mon père.

— Maintenant qu'il n'y a plus de public pour assister à cette discussion, j'attends que tu m'expliques ce que j'ai vu !

Je me rapproche encore un peu de la porte du bureau de mon père d'où la voix de ma mère s'échappe.

— Réponds-moi ! hurle-t-elle.

J'entends mon père marmonner quelque chose que je ne comprends pas puis ma mère crie :

— Je vais te le dire ! Tu étais en train de baiser ta secrétaire !

Je vacille. Je me suis toujours plus ou moins doutée que mes parents n'étaient plus vraiment fidèles l'un envers l'autre. En revanche, se douter et en avoir la confirmation sont deux choses complètement différentes.

Mon père répond :

— Parce que toi tu ne l'as jamais fait, peut-être ?

Ma mère ne répond pas mais je l'imagine très bien avoir eu mouvement de recul, une expression choquée peinte sur le visage et une main sur le cœur.

— Comme oses-tu insinuer une chose pareille ? demande-t-elle.

— Parce que tu crois que je ne suis pas au courant ? Tes actes ont eu des conséquences ! Et une surtout ! rétorque mon père.

Je ne comprends pas de quoi il parle mais je suis très curieuse de le savoir. Peut-être que certaines choses que je vais entendre vont éclaircir certains points. J'espère en tout cas.

— Comment es-tu au courant ?

Je devine que ma mère sait de quoi mon père parle et ne cherche même pas à le nier. La question est : de quoi s'agit-il ? Et j'ai l'impression que la réponse ne va pas tarder à arriver.

— Je l'ai toujours su.

Mes parents ont baissé d'un ton, si bien qu'il faut que je colle mon oreille contre le battant de la porte pour suivre la conversation. Je sais ce que vous pensez, que ce n'est pas bien de fouiner, que cela ne me regarde pas... blablabla... Mais je m'en fiche, il faut que je sache. De plus, j'ai un mauvais pressentiment.

— Pourquoi n'as-tu jamais rien dit ? demande ma mère.

Elle semble à bout. Comme si son plus vilain secret allait être découvert. Mais il l'a déjà été par mon père. Reste plus que moi et le reste du monde apparemment.

— Que voulais-tu que je dise ? riposte mon père. Qu'est-ce que ça aurait changé ?

J'entends un soupir.

— Rien, souffle ma mère.

Merde, mais de quoi parlent-ils ? J'ai comme l'impression que ça me concerne, au moins indirectement.

S'ensuit un silence pensant. Puis mon père demande :

— Que vas-tu faire ?

— La même chose que ces vingt-deux dernières années, répond simplement ma mère.

— Ne penses-tu pas qu'elle ait le droit de savoir ?

Le "elle" ne peut être que moi... En plus de ce nombre, vingt-deux, c'est l'âge que je vais avoir cette année.

Ma mère a un petit rire sans joie.

— Tu préfèrerais que j'aille la voir et lui dise "Au fait, ça fait plus de vingt ans que je te mens. Ton vrai père n'est pas celui qui t'a élevée" ?

En entendant ces mots, j'ai l'impression de recevoir un coup. Je me retourne et cours dans le couloir jusqu'aux escaliers que je monte. J'entre dans ma chambre et m'assois sur le lit où je me mets à sangloter. Tout devient limpide. Ce comportement froid et distant à mon égard. À vrai dire, je ne sais pas comment réagir. Je suis sous le choc, je crois. Une question tourne en boucle dans ma tête "Pourquoi ? ".

Sapphire Eyes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant