Je débarque tout sourire au bureau le lendemain malgré mon cœur en mille morceaux. Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps, car j'étais dans la crainte de croiser Gareth. C'est Jane qui me voit en premier.
— Whoa ! Louise, c'est magnifique !
Elle me prend dans ses bras puis me fait signe de tourner sur moi-même pour observer ma nouvelle coupe. Je la remercie et suis vite noyée sous les innombrables compliments de la part de mes collègues mais j'aurais préféré n'en avoir qu'un seul venant d'une certaine personne. Ce n'est pas parce que j'arrive à penser à Gareth sans m'effondrer qu'il ne me manque pas. À cause de son bébé dans mon ventre, je n'arrive pas à me le sortir de l'esprit.
— Pourquoi as-tu tout coupé ? me demande Mark.
— J'avais envie de changement, je réponds en haussant les épaules. Tu sais, d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu les cheveux très longs.
Ma tignasse devient le sujet principal de conversation de la journée. J'ai hâte qu'il se passe quelque chose de plus intéressant pour qu'on puisse clore le chapitre car, contrairement à ma mère, je n'aime pas être au centre de l'attention.
En parlant d'elle, mes parents m'ont surpris en m'appelant par Facetime le lendemain de mon rendez-vous chez le coiffeur. J'avais complètement oublié qu'ils n'étaient pas au courant pour mes cheveux jusqu'à ce que je vois ma mère blêmir à l'écran.
— Louise, qu'as-tu fait ?
Elle a semblé choquée comme si je venais de lui annoncer que j'avais commis un triple homicide.
— J'en avais marre de mes longs cheveux. C'est pas mal comme ça ?
J'ai fait exprès de dire ça, car elle allait réagir au quart de tour.
— Comment as-tu pu ? a-t-elle dit, dépitée. Ils étaient tellement beaux...
— Tu sais que ça repousse ?
Je crois que ma mère a toujours été plus ou moins jalouse de mes cheveux. Les siens sont certes blonds mais ils sont raides et moins dorés que les miens qui forment de belles boucles tout en volume.
Le reste de la conversation a continué sur le même ton et je jurerais d'avoir vu une larme. Quelle va être sa réaction quand je lui annoncerai que je suis enceinte si elle manque de s'évanouir pour une coupe de cheveux ?
Je tente tant bien que mal de me concentrer sur mon travail toute la semaine mais Gareth revient sans cesse dans mes pensées. Le vendredi, alors que cela fait plus de dix jours depuis mon message sur son répondeur, je décide de le rappeler pendant ma pause déjeuner. Comme la dernière fois, c'est à sa boîte vocale que je m'adresse :
— Salut, même si tu ne veux pas me voir, prends la peine de me répondre, s'il te plaît, c'est important. Alors, à moins que tu ne veuilles que je te le dise par message, rappelle-moi. (Je marque une pause.) Si je n'ai aucun signe de ta part dans une semaine, c'est-à-dire avant le dix-huit décembre, je t'enverrais un texto avec ce que je veux te dire. Il ne va pas falloir te plaindre si tu n'apprécies pas la manière dont tu as été mis au courant. Je ne veux pas venir à l'improviste chez toi mais si je suis obligée, je n'hésiterais pas.
J'ai déjà pensé à prendre rendez-vous avec lui par le biais de son assistante mais je n'ai pas envie de lui imposer ma présence. Ce serait mesquin. Alors, je prends mon mal en patience et attends de voir s'il va me contacter. Comme je lui ai dit dans mon message vocal, vendredi prochain, je prendrai les devants en lui annonçant. Lui envoyer un SMS ? Lui laisser un énième message vocal ? Lui envoyer une lettre ? Aller le voir à son bureau ou chez lui ? Je ne sais pas. Pourtant je sais qu'il est au bureau, j'ai entendu Clay qui disait être allé le voir. Il m'évite, c'est sûr mais il ne sait pas à quoi il s'expose en faisant cela.
Pendant la dernière semaine que j'ai accordée à Gareth pour me contacter, je raconte à Lisa notre rupture puis lui annonce ma grossesse. Elle est choquée par la première annonce mais elle saute de joie à l'idée d'être tata, puisqu'on se considère comme des sœurs, elle sera comme la tante du bébé.
— Ahhh, je suis trop contente pour toi, ma chérie !
— Je serais peut-être plus enthousiaste à l'idée d'être enceinte si monsieur ne m'évitait pas.
Une semaine après avoir découvert que j'étais enceinte, j'ai pleinement accepté mon état même si la facilité avec laquelle je l'ai fait m'a surprise. Je n'en ai parlé uniquement à Lisa pour l'instant. Je sais que je vais devoir le dire à mes parents mais tant que je n'ai pas mis les choses au clair avec Gareth, je ne peux pas le faire.
L'hiver commence à s'installer sur Londres depuis déjà plusieurs semaines mais ces derniers jours ont été particulièrement froids. Le vendredi dix-huit décembre, jour où je dois annoncer la nouvelle à Gareth, je suis surmenée au bureau, si bien que je n'ai pas une minute pour me poser. La grossesse me fatigue même si je ne le laisse pas transparaître. Quand, à dix-huit heures passées, je sors de l'open space pour rentrer à la maison, je suis exténuée et je tiens à peine debout. J'entre dans l'ascenseur et découvre avec horreur qui se trouve déjà dedans.
Gareth se tient au fond de la cabine, pianotant sur son téléphone sans faire attention à moi jusqu'à ce qu'il relève les yeux et me voit. Il est toujours aussi beau dans son costume sur-mesure foncé, ses cheveux dorés en bataille et ses yeux bleus envoûtants même s'ils ont l'air fatigués. Il ne paraît pas surpris de me voir et à peine m'a-t-il vu, qu'il fait comme si je n'existais pas. Son comportement indifférent m'agace au plus haut point, comme si je n'avais jamais existé pour lui. Je ne demande pas de retrouvailles comme on voit dans les films à l'eau de rose mais simplement un signe de tête ou je ne sais pas, mais pas son ignorance.
J'allais ouvrir la bouche pour lui parler quand quelqu'un retient les portes de l'ascenseur qui étaient en train de se fermer et entre dans la cabine. Cette interruption est si malvenue que j'ai envie de pleurer, ça m'arrive tout le temps en ce moment. L'homme qui est entré descend au premier étage, me laissant seule avec Gareth et une occasion en or pour lui parler.
Au rez-de-chaussée, je sors de l'ascenseur comme si de rien était, mais avant de me diriger vers la sortie, je me retourne et déclare :
— Tant pis si ça ne te plaît pas, je vais te le dire : je suis enceinte.
La fin de ma phrase coïncide parfaitement avec la fermeture des portes de l'ascenseur et je m'en félicite intérieurement. Je suis heureuse de voir que le hall est désert et sors sous la pluie battante, la tête haute et le cœur léger de lui avoir dit. Je suis sûre qu'il a tout entendu, il ne peut pas en être autrement. Maintenant, reste à voir s'il va venir me voir.
Les larmes coulent sur mes joues, se mélangent aux gouttes de pluies qui m'ont déjà trempée, je n'y fais pas attention, continuant d'avancer d'un pas mal assuré juchée sur mes talons sur le sol rendu glissant par l'averse. Le temps s'est nettement refroidi, alors je resserre un peu plus les pans de mon manteau qui n'a bien évidemment pas de capuche et affronte le déluge en me posant toujours la même question : Que va-t-il faire ?
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Sapphire Eyes (Terminé)
RomanceIl est mon patron. Je suis son employée. Il m'attire. Je le repousse. Il revient. Mes démons aussi. Ma raison me crie de fuir. Mon corps ne veut que lui. Que faire ? Je le sais très bien.