S U A H N I E B

4 Nnia

Jamais elle ne s'était aussi bien sentie que cette nuit.

Se faufiler à l'extérieur pour croiser les faces désespérées et blêmes des pauvres hères en frusques rayées avait libéré quelque chose de puissant et de grisant en elle. Ces dernières heures avaient filé autour d'elle comme un tourbillon solaire et chaleureux, l'obligeant à le suivre sous peine de s'y perdre. Elle en avait savouré la moindre minute. Quelque chose était en train de changer en elle et elle sentait que c'était pour le mieux, qu'elle n'avait qu'à se laisser porter. Plus rien ne la terrifiait, désormais. Elle avait l'agréable impression d'être une autre personne. C'était peut-être sa nouvelle tenue. Ou la cravache. En passant devant les écuries flambant neuves que Vogt faisait construire, elle n'avait pas pu s'empêcher de l'aviser et une impulsion inexplicable l'avait poussée à s'en emparer. Ça allait lui servir, l'avait convaincue sa nouvelle voix intérieure. Plus tard. Elle aimait beaucoup la musicalité de ce murmure interne. Elle était forte, rien ne pourrait plus l'humilier ni se mettre en travers de son chemin, maintenant qu'elle portait ce gris sévère. Vogt avait confiance en elle et il avait raison.

Surtout, surtout

Elle avait beaucoup apprécié

Tenir l'arme

Au bord de la fosse

À un moment, elle s'était dite que ce n'était plus vraiment elle. Ce n'était plus vraiment elle. Qui s'était jetée sur von Ffffffffffffffffffffffffffalkenstein pour

Elle avait appuyé sur la détente et elle avait senti l'onde de choc lui remonter tout le long du bras, tout le long de l'os, jusqu'à l'épaule, le recul avait fait tressauter son poignet à un tel point qu'elle a cru qu'il avait cassé AH AH AH mais il ne s'était pas brisé et l'homme à genoux s'était écroulé tout en restant toujours à genoux son dos avait formé un angle bizarre un angle mou qui n'était plus droit il s'était avachi il avait dégouliné droit devant lui il avait coulé comme le sang le sang le sang rempli de drôles de petits éclats un peu jaunâtres parce que la moelle épinière avait éclaté sous l'impact ç'avait creusé un trou dans sa nuque comme lui avait creusé la fosse. Comme c'était drôle, et amusant, c'était vraiment amusant de voir à quel point ces marionnettes ces automates de chair et de chimie étaient fragiles étaient facilement cassables à se demander pourquoi ils étaient l'espèce dominante dans ce monde.

Ce n'était pas elle qui pensait ça.

Ce qu'elle pensait n'avait plus aucune emprise sur la chose qui s'était installée à sa place. Si douce. Si chaude. Autrefois il y a longtemps

ELLE AVAIT ESSAYÉ DE LA FAIRE SORTIR

PAR L'ŒSOPHAGE

la masse ensanglantée s'était écrasée au sol et dans la cuvette, elle se souvenait vaguement d'un œil, attaché à son nerf optique qu'elle avait expectoré avec difficulté parce que cette chose refusait de la quitter, elle avait commencé à la coloniser de l'intérieur, elle s'en rendait compte maintenant, elle l'avait rongée de l'intérieur, tout doucement, morceau par morceau, invisible, indétectable et elle avait toujours répugné à se faire palper, à se faire toucher, à se déshabiller ne fut-ce que pour aller passer une radiographie alors qu'elle était désormais sure que les rayons montreraient l'intérieur de son corps complètement pourri complètement inapte complètement frigide inutile bon à jeter bon à enfermer rempli de noirceur tentaculaire qui la rendaient monstrueuse indésirable froide et grosse

oh seigneur pensait-elle il faut la retirer

il faut l'enlever d'elle à tout prix il lui fallait un chirurgien