6 Ania

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Elle se redressa sur son séant sans pour autant se lever. Il était très tard, ses volets clos ne laissaient filtrer qu'un mince rai de lumière artificielle en provenance de l'extérieur. L'angoisse lui empoigna la poitrine avec l'efficacité d'un filin et l'air commença à lui manquer. Elle observa le zébras lumineux traversant son drap, sectionnant son corps en biais le temps que sa respiration revienne à son rythme habituel. Les coups se firent plus insistants. Elle ne se levait toujours pas.

— Ouvre, dit la voix de von Falkenstein dans le couloir.

Son esprit tournait en rond à l'intérieur d'une cage. Jamais, pensait-elle. Jamais. Jamais. Dans la cage, son esprit se jetait contre les murs en hurlant et son corps refusait de bouger. Elle resta dans le lit, les bras ballants, à fixer la trace de lumière qui coupait son ventre en deux. Un craquement. Il venait de s'appuyer à la porte, elle le savait.

— Ouvre, chat, déclara-t-il. C'est important.

Comme un automate, elle pivota, posant ses pieds sur le parquet. Elle resta assise, en silence, alors qu'elle avait envie de taper des talons à s'en déchirer la plante en lui hurlant de se casser. Installé sur le rebord de la fenêtre close, Gustav s'étira en baillant.

— Si tu n'ouvres pas de toi-même, je vais faire dégonder cette porte. Allez-y.

Il y eut le bruit assourdi d'un piétinement et l'instant d'après, le bois se mettait à trembler. Feulant, Gustav s'enfuit dans la salle de bain. Elle remonta dans son lit pour s'y recroqueviller contre le mur, la couverture tirée jusqu'au menton, mordant le tissu pour s'empêcher de crier. Un petit filet de poussière s'échappa du chambranle au troisième coup de boutoir, mais le pêne tint bon.

— Il faut frapper sur la serrure, imbécile, lâcha-t-il. C'est que de la ferraille, il suffit de la tordre. Faut vraiment tout faire soi-même, ici, c'est incroyable. Un !

Le métal du loquet gémit en se pliant. Dans la pénombre, elle sentait son cœur lui remonter le long de l'œsophage.

— Deux !

Il y eut une détonation étouffée d'un mécanisme rendant l'âme et ballant désormais dans le vide, la poignée alla percuter le mur tandis que la porte s'ouvrait en grand. L'éclairage lointain de la cage d'escalier lui révéla trois silhouettes à contre-jour, dont deux appartenaient à la Liebstandarte. Il les surplombait d'une bonne demi-tête.

— Ce n'était quand même pas si compliqué, dit-il à l'un d'entre eux.

— Non, Herr SS-Hauptsturmführer.

— Allez donc servir à rien ailleurs, ajouta-t-il.

— Mais, protesta poliment l'autre. Herr Obersturmbannführer a insisté. Pour votre sécu...

— C'est vous qu'elle risque d'envoyer contre les murs, bande de branques que vous êtes, le coupa-t-il. Pas moi. Allez, ça dégage !

La Liebstandarte dégagea donc. Quand leurs pas bruyants eurent descendu les escaliers pour ensuite être avalés par les profondeurs du bâtiment, il entra enfin. Il prit le soin de repousser la porte, la fermant à moitié. La poignée lui resta dans la main.

— T'es fière de toi, je suppose.

Il brandit le morceau de ferraille avant de le jeter d'un geste négligent au bout de son lit. C'est à peine si elle tiqua. Dès qu'elle avait aperçu les soldats dans le couloir, elle avait compris. Elle avait compris qu'il était là pour quelque chose de pire encore que ce qu'elle redoutait chaque soir en l'entendant monter. Dans les ténèbres, elle n'apercevait de lui qu'une silhouette plus haute que la moyenne. Ses bottes crissèrent tandis qu'il venait se planter au milieu de la pièce.

S U A H N I E BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant