Neuvième fragment : Elise

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XV- Du bruit

L'ambiance de cette école est vraiment étrange. Du moins, plus que ce à quoi je m'attendais. Avant d'entrer à l'Académie, les étudiants n'ont pas d'autres choix que de côtoyer des personnes « normales ». Des personnes exempts de tout don, dont les conversations ne tournent pas autour de l'occultisme. Ce n'est franchement pas un mal. Ça fait seulement 5 heures que je suis ici et j'ai déjà envie de m'enfuir.

Raison pour laquelle je suis présentement à la bibliothèque au lieu du réfectoire. Mon estomac est trop noué pour avaler quoi que ce soit, et le cours en amphithéâtre me stresse déjà. Un grognement m'échappe et je laisse ma tête rencontrer le livre ouvert sur la table d'étude devant moi.

Ce n'est pas que je n'aime pas les gens. Mais à part Naël, j'ai beaucoup de mal à côtoyer les autres enfants. Handicap de fille unique qui a vécu dans la pression du paraître des Lecendre. Peu d'amis, des difficultés à les garder, et la peur constante de ne pas agir comme il faut.

-Excuse moi, je peux m'asseoir à côté de toi ? Il y a de bonnes ondes sur cette place.

Je relève la tête vers celle qui interrompt mon besoin de solitude et rajuste mes lunettes qui ont glissé de mon nez. Une première année, ou une deuxième vu son air juvénile . J'ai l'impression de l'avoir vu pendant la répartition des classes. Elle ne passe pas vraiment inaperçue. Là où la mode à Berbridge est plutôt confortable, dans des tons sombres et neutres, elle porte beaucoup de blanc. Du crème, du beige et du rose. Elle est très jolie, et a l'assurance d'une fille de personne importante. Ses cheveux châtains lui arrivent aux épaules et ont l'air faussement décoiffés. Quelques bijoux discrets rehaussent sa tenue. Et en broche la libellule des Rêveurs. En bois. Une première année donc. Elle est de ceux qui peuvent manier le sommeil et les rêves.

-Alors ?

Son impatience me fait prendre conscience que ça fait bien trop longtemps que je la regarde sans rien dire. Se référer au paragraphe sur mon manque d'amis.

-Oui, bien sûr, pardon ! Assieds toi.

Elle prend place comme si la chaise lui appartenait et étale ses affaires. J'essaye de ne pas lui prêter attention, mais un mélange de fascination et de curiosité me font jeter de fréquents regards en coin.

Elle ne fait plus attention à moi et, utilisant son sac comme un oreiller, elle pose sa tête dessus et ferme les yeux. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre qu'elle s'est endormie, sa respiration comme léger bruit de fond.

Je regarde autour de moi, un peu gênée. Personne ne fait attention à nous.

J'essaie de me concentrer à nouveau sur mon livre, mais au bout d'une demi heure, la soupe de mot de mon cerveau ne fait toujours aucun sens.

C'est à ce moment que l'inconnue à la libellule se réveille. Elle baille et s'étire sans complexe avant de me sourire d'une façon éclatante.

-Merci, c'était agréable. On devrait y aller, le cours va commencer.

Sans bien comprendre ce qu'elle qualifie d'agréable, je rassemble mes affaires et la suit, avec la sensation douloureuse qu'en à peine quelques mots je ressens déjà une sorte d'emprise de sa part.

Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant