XXXVII - Saine inquiétude
-Pardon?
Je m'insurge.
-Alors on ne doit rien faire alors que quelqu'un a rêvé de ta mort? C'est hors de question, j'appelle Grand-père.
-Naël, non. Pour l'instant, on ne fait rien. Si il y a bien une personne qui sait quoi faire, c'est Mulberry.
-Mais tu viens de me dire qu'il admettait que Maia avait raison. Donc il considère que tu peux mourir?
-Tout le monde peut mourir tout le temps, sur ce point il n'a pas tort, nous interrompt Lucy.
Appuyée contre son frère, tous deux sur le canapé qui nous fait face dans la salle commune, elle griffonne des notes dans un carnet de cuir.
-Ce n'est pas pareil, marmonne Maia à ma droite.
-Pour l'instant, on ne peut de toute façon rien faire. Donc on va faire confiance au directeur, qui s'avère aussi être un des élèves les plus brillants que cette Académie ait compté, et voilà. Et si jamais vous sentez une menace planer sur moi, on avisera. Ce n'est pas comme si un événement aussi improbable pouvait se dérouler sans que quelqu'un ne s'en aperçoive avant. Pas dans ce genre d'école.
C'est la deuxième fois que quelqu'un emploie cet argument dans la journée. Je me renfrogne.
-Sauf que vous partez du principe qu'on est tous des superhéros des Sciences Noires. La plupart d'entre nous sont tout juste bons à prévoir la météo et savoir ce qu'il y a au dîner. Sans vouloir vous offenser, les Coste.
Lucy me fait un doigt d'honneur, son frère m'ignore. Il est comme ça à chaque fois que l'on se croise depuis la fête de samedi. Très bien, si monsieur ne veut pas faire preuve de maturité...
-De toute façon, reprend Elise, ce n'est pas comme si on avait le choix. Il est hors de question d'abandonner l'Académie pour une présomption.
Et j'ai d'autres choses à y voir.
Je grimace en percevant sa pensée avec l'intensité d'une claque. Même dans un cas comme ça elle pense à son fantôme. Comme si c'était le moment. Je me tais, ne voulant pas évoquer ça devant les autres.
-Vous êtes vraiment beaucoup trop détendus par rapport à tout ça, tranche Maia en se levant.
-Tu vas où ? Lui lance Loïs.
-Dans ma chambre. Avec un peu de chance je rêverais à nouveau de tout ça et on aura un peu plus d'éléments pour faire attention à Elise.
Elle fait claquer ses talons en quittant la pièce.
-J'aime bien cette version de Maia. Elle est pas mal quand elle est en colère, non? Lance Lucy en mordillant son crayon.
Je lève les yeux au ciel.
XXXVIII - Rejet
Après être sorti des toilettes je me dirige droit vers l'évier pour me passer de l'eau sur le visage. Cette histoire de rêve et de mort me tend. Je sais bien qu'il faut prendre les choses de façon rationnelle. C'est compliqué quand on parle d'une personne qu'on aime. Je me regarde dans le miroir, remets de l'ordre dans mes cheveux et profite du silence des cabinets. J'avais besoin d'un petit moment de silence avec moi-même avant de prendre la route du bourg avec Elise. Même si le brouhaha permanent dû à mon empathie s'estompe, signe que je m'habitue à mon nouveau dosage, ma migraine est difficile à supporter après une journée de stimulation. Les yeux fermés, je laisse mon dos s'appuyer contre le mur du fond.
La porte s'ouvre et Loïs entre dans la pièce. J'ouvre un œil pour l'observer. Il reste gauchement debout en plein milieu, et me regarde avec hésitation.
-Oui Loïs, ça va. J'avais juste besoin de respirer.
-Drôle d'endroit pour ça.
Je ris et quitte la pièce, le jumeau sur les talons.
-Il n'y a pas 36 endroits où être tranquille par içi. Si tu viens me chercher jusque dans les toilettes, tu comprends bien que c'est compromis.
-Je m'inquiétais pour toi. Par rapport à Elise. Ça doit te faire drôle.
Je hausse les épaules et prend un air détaché.
-Ne t'inquiète pas pour moi. On est pas particulièrement amis en plus.
Il s'arrête, vexé et frustré. Je m'en veux d'être si direct avec lui, mais je ne sais pas comment faire autrement.
-La faute à qui? Tu ne m'en laisse même pas la chance! Sans aucune raison, tu sembles avoir décidé de me rejeter à chaque pas que je fais vers toi!
-Ne sois pas si dramatique Loïs, c'est pas si grave que ça. Je suis un garçon particulièrement agaçant au quotidien, je fais ça pour ton bien.
Je m'éloigne. Il ne me suit pas. Les choses seraient beaucoup plus simples si comme tous les autres avant lui il voulait simplement me sauter. Le physique, je peux le gérer. Les sentiments c'est beaucoup trop compliqué pour les gens comme nous.
VOUS LISEZ
Le fantôme de Berbridge
AdventureElise Lecendre a un don. Comme beaucoup de jeunes adultes de Forzerand, elle possède des capacités que l'on pourrait qualifier d'ésotérique. Accompagnée de son cousin et ami Naël, elle commence ses classes dans la prestigieuse Académie de Berbridge...