Huitième fragment : Naël

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XIV- Au détour d'un couloir

-Donc si je comprends bien, tu t'es fait déranger par trois gamins qui t'ont ensuite traité de vieille ?

Elise n'a pas eu besoin de me préciser la dernière information, je l'ai saisi directement de son esprit fatigué. Après sa rencontre spéciale, elle n'a pas fermé l'œil de la nuit.

-On peut résumer ça comme ça. Mais ça me rassure ? Je finissais par penser que j'avais quelque chose de cassé. A mon âge...

-Proserpine faisait partie des élèves les plus douées de l'Académie et avait déjà frayé avec des sceptres particulièrement dangereux, je sais. On en a déjà parlé, ça ne sert à rien de te comparer à la Lecendre la plus parfaite qui ait existé.

-Facile à dire, c'est pas ta mère.

Je lève les yeux au ciel. Cette conversation a toujours été une voie sans issue. Et je n'ai aucune affinité pour les culs de sac.

-Essaie de ne pas trop y penser et concentre toi plutôt sur ta première heure de cours. On se voit à 15 heures pour l'histoire des Sciences Noires.

Je l'embrasse sur le front et m'éloigne tranquillement. Si chaque spécialité a des cours qui lui sont propres, certaines matières sont communes, comme l'histoire des Sciences Noires qui a lieu dans l'amphithéâtre principal. Je tripote le sachet de médicaments dans la poche de mon pantalon. Depuis hier je suis nerveux. J'ai passé toute mon adolescence, quand mon don s'est développé, à me gaver de ces suppressants. L'idée d'avoir à m'en passer d'ici la fin de l'année me paraît utopique, mais si c'est Ernan qui me le demande, je pourrais faire un effort.

Je sors mon emploi du temps tout en continuant de marcher pour ne pas perdre le peu de contenance qui me caractérise. Je soupire en m'apercevant qu'il faut que je me rende au dernier étage de la tour Nord. Si j'avais eu une idée un peu plus précise de la géographie des lieux avant d'arriver ici, j'aurais ramené des chaussures de randonnée.

Après avoir traversé la cour et rejoint la tour Nord, je m'aperçois que la plupart des élèves que je croise sont ceux de ma spécialité. Ils arborent tous la petite broche représentant un coléoptère. J'ai dû me faire violence en l'accrochant à mon propre gilet tant le réalisme de la bestiole est effrayant. Au moins les Clairvoyants ont des coccinelles. C'est beaucoup plus mignon.

Jetant un œil à ma montre pour constater mon retard imminent, je ne vois pas l'élève qui fonce vers moi en sens inverse et notre rencontre m'envoie au sol, directement sur les fesses. Autant pour mon coccyx, je l'aimais bien.

-Merde, désolé, je ne t'avais pas vu.

-J'espère bien, je n'ai encore rien fait pour me faire détester.

J'attrape la main tendue devant moi et me redresse prestement, sans pouvoir m'empêcher de détailler de bas en haut l'élève qui m'a attaqué sans vergogne. Grand, des épaules carrés, la peau sombre et un sourire à se damner. Finalement ma chance a peut-être tourné ?

Il ne me regarde pas dans les yeux, mais je sens immédiatement son émoi à mon encontre. Je rougis malgré moi et m'écarte rapidement.

-Fais attention la prochaine fois !

Je cours presque pour rejoindre ma salle, le cœur battant.

Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant