LXVI - Gradins
-Tout ce que je dis, c'est qu'il n'avait pas l'air de mentir. Je n'ai rien senti de sa part.
-C'est normal. Mulberry possède les 4 dons. Il peut se préserver de l'empathie des autres, me rétorque William en croisant les bras, sa cigarette coincée entre les lèvres.
Je grimace, bien obligé de reconnaître qu'il a raison.
Il est 9 heures, et nous nous sommes tous réunis sur les gradins du stade, à l'abri des oreilles indiscrètes. Tous sauf Elise qui est restée à la pension, se sentant trop mal pour venir à l'Académie dès le lendemain de notre découverte macabre.
-Vous allez voir, l'enquêteur va confirmer tout ce qu'a dit Mulberry, marmonne Maia en inspectant ses ongles. Comme par hasard.
-Techniquement, son hypothèse est possible, rétorque Lucy.
-Techniquement. Sauf qu'on sait qu'il nous ment. Il est au courant pour la source. Je trouve que c'est un drôle de hasard que cet accident arrive juste après que vous ayez été la voir d'un peu trop près, affirme Maia.
Je jette un regard à Loïs. Nous y avons aussi pensé. Elise aussi doit avoir ça en tête. Et si on avait fait une connerie et réveillé quelque chose qu'il ne fallait pas?
-Peut-être une mauvaise coïncidence, avance William.
Le manque de conviction dans sa voix est presque insultant. Je me lève et prends mon sac.
-J'ai besoin d'air.
J'arrête d'un geste Loïs qui s'apprête à me suivre et dévale les escaliers à toute vitesse. J'aurais dû rester à la pension avec Elise.
LXVII- Agent du gouvernement
Même si mes cours ne commencent pas tout de suite, je retourne à l'Académie. L'ambiance y est étrange. Des panneaux et des barrières bloquent le devant de l'entrée de la tour Nord, ce qui n'empêche pas un petit attroupement de curieux de se former autour.
Parmi tous les gens qui ont vu le corps, combien ont fait la même observation qu'Elise? Qui a noté les mutilations si particulières? Bien sûr que ça ne peut pas être une coïncidence. Il faut que Hyacinthe nous explique sa mort, même si elle ne s'est pas montrée depuis hier. Elise botte en touche chaque fois que j'essaie d'aborder le sujet, je n'ai donc pas insisté. Pourtant, je lui ai fait part des observations que nous avons notées avec Loïs sur l'histoire de Berbridge, et la période de la Nouvelle Modernité et Christian Herbet. J'ai senti sa crispation à l'idée que nous ayons fait des recherches derrière son dos, mais elle s'est contenté de remettre la conversation plus tard, et je suis parti seul à l'Académie, la laissant enfouie au fond de son lit.
Les voitures de police d'hier ont disparu, mais un autre véhicule a pris leur place. Plus élégant, plus grand, noir et les vitres teintées, je reconnais sans peine une des voitures du gouvernement.
Leur rapidité n'est pas étonnante.
Je suis le couloir qui me mène au premier étage du bâtiment principal, perdu dans mes pensées. Depuis hier, j'ai une migraine terrible qui m'empêche de me concentrer. C'est comme si l'accident d'hier, si on peut l'appeler comme ça, m'avait littéralement vrillé le crâne. Je ralentis, pris par une nouvelle envie de vomir, et m'appuie contre le mur. A cette heure, les couloirs sont déserts, et pourtant des voix me parviennent. Au détour de l'allée, un groupe de trois personnes est en pleine discussion. Je me rapproche discrètement.
Vian, Mulberry et une femme que j'identifie tout de suite comme l'agent du gouvernement. Les cheveux relevés en un chignon simple et sévère, un costume brun à l'instar de ses collègues masculins du ministères et un carnet sur lequel elle semble retranscrire ce que lui dit Mulberry. Je suis trop loin pour entendre leur conversation, et comme Vian est avec eux, je ne peux pas non plus percevoir le reste. Je m'éloigne donc, frustré. Cette journée va être bien trop longue.
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Le fantôme de Berbridge
AdventureElise Lecendre a un don. Comme beaucoup de jeunes adultes de Forzerand, elle possède des capacités que l'on pourrait qualifier d'ésotérique. Accompagnée de son cousin et ami Naël, elle commence ses classes dans la prestigieuse Académie de Berbridge...