19ème fragment : Elise, Hyacinthe

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XXVIII - Solitudes

Prétextant une envie pressante, je me suis éloignée de la foule, direction le premier étage. Il ne faudra pas que je traîne plus que de raison si je veux récupérer Naël avant qu'il soit incapable d'aligner deux mots et mettre un pieds devant l'autre.

Et toi, pourquoi tu ne bois pas?

Pourquoi tu cherches la dame effrayante?

Pourquoi on reste pas à la fête, on commençait tout juste à s'amuser!

Je les ignore et continue de progresser. Je croise plusieurs élèves qui vont en sens inverse, sans faire attention à la petite première année à lunette qui cherche une porte dans un mur qui n'existe pas.

J'ai passé toute la soirée et toute la journée à penser à Hyacinthe, sans savoir si ce que j'ai vécu était vrai ou pas. Mes connaissances en matière d'esprit sont encore trop restreintes pour que je puisse les exploiter. J'aurais aimé pouvoir téléphoner à ma mère. Proserpine aurait sûrement su quoi faire à ma place. Mais Proserpine n'est plus là.

Un souffle d'air passe entre mes jambes et même si je m'y attendais, je sursaute. Je sens "mes" trois esprits se blottir contre moi et grelotter. Un clignement des yeux et elle est là.

La tête penchée sur le côté, elle me regarde comme une petite créature curieuse. Je la pensais jeune hier, je me rends compte qu'elle l'est encore plus que ce que je pensais. Le début de la vingtaine à tout casser. Plus quelques années de mort j'imagine.

-Je savais que tu reviendrais.

-Vraiment? Tu me surveilles?

-Et toi, tu me cherches?

Je grimace.

-En fait, j'ai réfléchi. J'imagine que tu es coincée ici. Et dans ce cas, il te faut quelqu'un pour te permettre de passer de l'autre côté, c'est ça?

Elle croise les bras sur sa poitrine.

-Encore cette histoire? Tu ne comprends pas Elise. Je ne veux pas partir.

-Tu ne veux pas, ou tu ne peux pas?

L'amusement se peint sur son visage. Elle désigne le sol et change de sujet.

-De mon temps, les fêtes étaient encore plus animées. Et bien moins correctes. Le directeur de l'époque a dû intervenir plusieurs fois pour calmer les plus hardis.

-Le directeur?

-Oui, monsieur...

Elle s'interrompt, la bouche ouverte, et la tristesse se peint sur son visage.

-Je ne sais pas. J'ai oublié...

-Hyacinthe...

-Retourne à la fête Elise. Il vaut mieux pour toi qu'on ne traîne pas trop ensemble...

Elle se retourne et s'évapore dans le fond du couloir.

Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant