18ème fragment : Naël et sa solitude

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XXV- Amours

Je regarde Elise manger sa soupe du midi avec le manque d'entrain qui la caractérise depuis hier soir et notre excursion dans la salle commune. Depuis que nous avons quitté le pensionnat, elle paraît absente. Pour le coup, ses pensées me sont hermétiques, trop confuses pour que j'en tire quoi que ce soit. Ça ne lui ressemble pas..

-Si je ne te connaissais pas si bien, je pourrais penser que tu es amoureuse, je lui chuchote pour la provoquer.

Elle laisse tomber sa cuillère qui vient s'écraser dans son assiette avec une gerbe d'éclaboussure. Elle grimace et retire ses lunettes touchées pendant l'impact pour les nettoyer.

-Comme si j'avais le temps pour ça.

-Alors, techniquement tu as le temps pour ça. Comme le dit Maia, l'amour c'est la vie, et ça fait du bien au corps comme à l'esprit.

-Si on parle de la même Maia qui a mis une semaine avant de comprendre que tu étais insensible à ses charmes, permets moi de douter de la pertinence de ses conseils.

Ouh, l'insolence de sa voix me rassure un peu sur son état.

-Elle n'est peut-être pas toujours très fine, mais reconnais que ça te ferait du bien de penser à autre chose que l'histoire de Berbridge et les 36 rituels d'invocation élémentaires.

-Naël, sans vouloir te vexer, tu ferais mieux de mettre au clair tes propres sentiments envers Loïs avant de me faire la leçon.

-Pardon?

Je suis outré. On a dépassé le stade où l'insolence était drôle.

-Je veux juste dire que tu devrais arrêter de jouer au chaud froid avec ce pauvre garçon qui te dévore littéralement des yeux. Faîtes quelque chose parce que la tension entre vous est proprement insupportable.

Je retire tout ce que j'ai dit. Elle est de mauvaise humeur. La soirée s'annonce fantastique...

XXVI- La nuit promet d'être belle

Une médium, un empathe, deux clairvoyants, une rêveuse et...

Un fantôme, un rêve, une anomalie.

Névroses, craintes, amours déçus.


XXVII- L'alcool et la fumée

Il est 20 heures, et nos estomacs sont désespérément vides quand nous rejoignons les jumeaux et Maia pour la soirée. Elise a toujours l'air absent, mais je n'ose pas provoquer une nouvelle conversation qui risquerait de se retourner contre moi. La seule envie que j'ai présentement, c'est me soûler jusqu'à ne plus tenir debout, draguer deux trois beaux garçons et ne surtout pas penser à mon sevrage qui me provoque des migraines affreuses et un sentiment de vertige permanent.

Je sens les regards en coin de Loïs alors que nous les rejoignons près du billard et je continue de l'ignorer, même s'il n'a pas l'air d'avoir l'intelligence de le comprendre. Ce garçon est très gentil, mais je me sens dans l'incapacité émotionnelle de répondre à ses espoirs me concernant. Ma tête est prise par un étau qui m'empêche de me concentrer.

-Bon. Si quelqu'un a la décence d'aller nous chercher à boire, il aura ma reconnaissance éternelle, lance Maia.

-Autant dire que c'est un bien rare et précieux venant de la princesse de ces lieux, nous affirme Lucy avec malice.

-J'y vais, lance Loïs en se jetant dans la foule.

-Qu'il est bien élevé cet homme, soupire Maia.

-Laisse tomber, tu n'as aucune chance avec lui, rétorque Lucy.

-On peut toujours rêver, non? En plus tu m'as dit qu'il sortait aussi bien avec des filles que des garçons. Donc, rien n'est perdu. Tu ne veux pas de moi comme belle-sœur?

Je regarde le jumeau dont la tête dépasse la majorité des personnes présentes. Non content d'être plus agréable physiquement que la moyenne, il est aussi plus grand. Quelle injustice. Malgré ça, je le perds vite de vue tant la foule est dense. Rien à voir avec la veille où on pouvait se parler calmement. Là, les vapeurs d'alcool, de cigarettes, les bruits et les odeurs m'assaillent de toute part. Pas besoin de prendre de drogue quand on est un empathe. Électrisant.

Je ne m'étonne pas de ne pas voir plus de camarades de mon cursus et je pense aux deux élèves qui ont déjà abandonné cette semaine quand Loïs revient, des verres à la main. Il me tend le mien en souriant.

-Fais attention Naël, je ne sais pas exactement ce qu'il y a dedans, mais on m'a dit que c'était un cocktail détonnant pour les empathes.

-C'est bon maman, je suis encore capable de gérer ma consommation d'alcool! Je lui réplique sèchement.

Son regard s'assombrit et il se tourne vers les filles en marmonnant.

-Pas la peine d'être si désagréable, je voulais juste t'aider.

C'est bien le souci. Il est beaucoup trop attentionné pour moi. Et comme je n'ai pas envie d'y réfléchir pour le moment, je bois mon verre cul sec et m'éloigne en direction du coin musique.


Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant