Onzième fragment : Elise

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XVII – Au même endroit au même moment

N'ayant pas pu trouver une excuse satisfaisante sans paraître impolie, je me retrouve dans l'amphithéâtre, installée à côté de la rêveuse qui ne m'a toujours pas dit son nom. Elle sort ses affaires de cours et les installe avec une méticulosité qui tranche avec la façon dont elle avait éparpillé ses affaires pour dormir. Ses ongles parfaitement manucurés me fascinent, et je range mes mains dans mes poches pour cacher l'état déplorable des miens.

-Au fait, je m'appelle Maïa Ethan.

Elle a un petit accent Opalien qui rend sa voix chantante. Elle est vraiment très jolie.

-Elise Lecendre.

-La fille de Proserpine Lecendre, je sais. Je l'ai vu à la télé un peu avant son décès. Toutes mes condoléances.

Ma gorge se resserre à l'évocation de ma mère. C'est la première personne à m'en parler aussi franchement. Je hoche la tête et me force à sourire.

-Merci.

J'aimerais rajouter quelque chose, mais quoi ? Que je commence à m'y habituer ? Que la douleur est toujours dans ma poitrine et qu'elle m'étouffe parfois le soir ? Que je suis fière d'être la fille d'une des médiums les plus réputées du pays? Alors que je suis une communicante médiocre? Rien de tout cela n'a vraiment d'importance. Je ne sais même pas pourquoi cette fille incroyable s'embarrasse d'un boulet comme moi.

-Ta plume est cassée.

La voix vient de la jeune fille qui vient de s'installer à ma gauche. Elle est en train d'attacher ses longues tresses en un lourd chignon qu'elle laisse retomber sur sa nuque et me sourit de toutes ses dents. La broche coccinelle me fait comprendre pourquoi elle m'a dit ça alors même que mon matériel d'écriture n'est pas encore sur la table.

-Mince, c'est la seule que j'ai...

Je fouille désespérément, comme si le fait de penser à une nouvelle plume allait m'en faire apparaître une dans la main.

-Tiens. J'en ai toujours une en double.

Elle me tend un porte plume qui a l'air neuf.

-M... Merci ?

-Qui se ballade avec deux fois plus de plumes que nécessaire ? Nous interrompt Maia avec une petite moue.

-Oh... Eh bien quand on est deux, dont une tête de linotte, on prend l'habitude de prévoir à l'avance.

Elle s'écarte pour nous désigner un garçon qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Il nous fait un signe de main rapide, mais son attention se reporte vite sur le reste de l'amphi qui se remplit rapidement. Nous sommes arrivés juste avant la vague, et j'espère que Naël trouvera une place assise.

-Maia Bell. Et elle c'est Elise Lecendre.

Je lui jette un regard en coin, un peu agacée. Je suis réservée, mais j'ai toujours ma langue.

-Moi c'est Lucy, et lui c'est Loïs, Coste.

Maia hoche la tête, comme si elle voyait tout à fait. Moi je me contente de me concentrer sur ma feuille. Je suis si mal à l'aise que j'aimerais bien disparaître.


Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant