44ème fragment: Elise, Hyacinthe

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LXVIII - Un bol de réconfort

Je me réveille sur les coups de midi, à l'heure où le clocher du bourg fait entendre ses 12 coups. Après une nuit à tourner et virer dans mon lit,je me suis finalement endormie à l'heure où Naël est parti à l'Académie. Moi je n'en ai pas eu le courage. Je m'extirpe de mes draps, enfile mes lunettes et un long gilet et me glisse dans la salle de bain pour mes petites affaires matinales. Je vois dans le miroir mes cernes et je me félicite de ne pas croiser Maia aujourd'hui. Elle m'aurait sûrement proposé une quelconque mixture à base de légumes à me tartiner sous les yeux.

Une fois un peu plus propre, je descends les marches qui mènent aux pièces communes. A part le dimanche, je n'ai jamais exploré la pension en pleine journée. Un chat indolent paresse près de la cheminée du salon. Un vieux monsieur que j'ai croisé à quelques reprises lit le journal. Il se dégage des lieux une impression de sérénité qui calme un instant mon agitation.

-Mme Lecendre? Je vous croyais souffrante. Je m'apprêtais à monter voir si vous aviez besoin de quelque chose.

Marigold, notre logeuse, vient de la cuisine. Le temps qu'elle referme la porte je ne peux m'empêcher de sentir une bonne odeur de champignons et d'épices. Mon estomac que je croyais en berne se réveille dans un grognement qui me fait rougir de gêne.

La petite femme me sourit et me désigne la salle à manger.

-Installez-vous, je vous apporte quelque chose.

Avant que j'ai le temps de protester - nous ne payons que pour un repas par jour- elle s'éclipse à nouveau dans la cuisine. Je lui obéis donc de bonne grâce et prend place.

La table de la salle à manger est assez grande pour accueillir une dizaine de personnes. Je m'y sens toute petite, comme au manoir Lecendre quand j'étais plus jeune et que personne ne m'accompagnait pour le repas.

Mais on est là nous aussi

Les plats de Marigold me manquent...

Tu parles, à l'époque elle se contentait d'aider maman, c'est tout

Les trois esprits tournent autour de moi, et le chat me jette de fréquents regards, comme agacé par leurs bavardages.

Je lui adresse des excuses discrètes quand Marigold revient avec un plateau. Dessus, un bol de soupe fumante, quelques tranches d'un pain artisanal que je sais venir du meilleur boulanger du bourg, et du beurre bien frais.

Je la remercie vivement. Elle balaie mes remerciements d'un geste de la main et retourne à ses occupations au comptoir. Je l'observe du coin de l'œil. C'est une jolie femme, même si son visage porte les marques de beaucoup de chagrins. J'ignore si elle peut sentir la présence des trois esprits. Certains normés le peuvent.

Quand j'ai fini mon repas, elle vient me débarrasser. Je la vois hésiter avant de prendre la parole.

-Est-ce vrai ce qu'on dit dans le journal? Sur Berbridge et... L'accident? La mort de cette pauvre Mlle Loisel?

Je me crispe en sentant mon déjeuner peser sur mon estomac.

-Je le crains. Vous la connaissiez?

-Tout le monde la connaît au bourg. C'est une enfant de Berbridge. Une petite femme douée comme tout, avenante et discrète. Si c'est pas malheureux... Se laisser déborder par la soif des Sciences Noires comme ça.

Je grimace, mal à l'aise.

-On n'est pas totalement sûr de cette hypothèse.

Marigold secoue la tête.

Le fantôme de BerbridgeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant