— Est-ce que tu ne trouves pas ça incroyable ?
Par une fenêtre de ses appartements, Priscille regarde s'éloigner les armées.
À ses côtés se tient Anaïs.
— Tous ces hommes qui marchent au pas. Il y a une forme de beauté dans ce mouvement, ne trouves-tu pas ?
— Ça me fait plutôt peur.
— Peur ? Tu ne dois pas avoir peur : nous sommes dans le camp des plus forts, il ne peut rien nous arriver. Ce sont plutôt les autres qui devraient avoir peur.
— Justement : j'ai peur pour eux. Tous ces gens qui ne demandent qu'à vivre en paix et qui vont peut-être bientôt se faire massacrer.
— Seuls ceux qui ont la folie de se dresser contre nous subiront les conséquences de leur choix. S'ils ne sont pas assez malins pour se rendre compte que nous sommes les seuls capables de maintenir la paix dans ce monde, tant pis pour eux !
— Mais as-tu pensé à nos familles ?! Qui te dit que Mornglass sera épargné par cette guerre ? Peux-tu imaginer notre royaume ravagé par ces soldats que tu trouves si beaux ?!
Priscille lui jette un regard glacial.
— Es-tu avec nous ou contre nous ?
Anaïs est déstabilisée. Elle ne reconnaît plus son amie. Jamais elle ne l'a vue dans cet état. Jamais elle n'aurait imaginé lui entendre dire des choses pareilles. Il y a quelque chose dans son regard qui lui fait peur.
— Je... Je suis avec toi, bien entendu. C'est juste que je me fais du souci...
Le visage de Priscille se radoucit.
— Il n'arrivera rien à Mornglass, rassure-toi. J'y veillerai personnellement. De toute façon, c'est un trop petit royaume pour présenter un quelconque intérêt stratégique. Et quand cette guerre sera terminée, il sera le premier à profiter de la paix universelle garantie par la protection de nos armées.
Anaïs reste très sceptique quant à ces promesses de paix universelle. Mais elle se garde bien de faire part de ses doutes.
— Ne parlons plus de ça ! s'exclame la princesse. Je ne veux pas que nous nous disputions pour des histoires de politique. Notre amitié est beaucoup plus importante que tout ça !
Priscille la prend dans ses bras et la serre très fort.
Un peu trop fort, même.
— Tu m'étouffes...
Ignorant ces protestations, la princesse ne déserre pas son étreinte. S'efforçant de respirer tant bien que mal, Anaïs décide de prendre son mal en patience ; elle se dit qu'il mieux vaut des marques d'amitié un peu trop pressantes plutôt qu'une dispute. Mais bientôt une douleur lui vrille le côté gauche ; elle se dégage brusquement.
— Tu m'as pincée !?
Priscille a un air un peu gêné.
— Oh pardon. Je ne l'ai pas fait exprès.
— Pas exprès ?! Tu es vraiment bizarre ! Qu'est-ce qui ne va pas ?!
— Rien, rien, tout va bien ! Viens, on recommence !
Un peu récalcitrante, Anaïs la laisse néanmoins revenir à elle.
Pas pour longtemps cependant :
— Aïe ! Mais tu m'as encore pincée ! Pourquoi fais-tu ça ?! Qu'est-ce qui te prend ?!
Priscille s'emporte :
— Oh, ça va ! Tu ne vas pas mourir ! C'était juste une petite pincette de rien du tout, n'en fais pas toute une histoire !
— Juste une pincette ?! Es-tu devenue folle ?! Tu m'as fait mal !
— Pauvre petite ! Elle a eu mal ! Et moi, tu ne crois pas que j'ai mal, tous les jours !? Imagines-tu seulement la pression que je subis ?! J'ai besoin de me détendre un peu, voilà tout ! J'avais imaginé que tu serais un peu plus compréhensive !
Frottant son bras endolori, Anaïs reste à distance et la regarde d'un air abasourdi. Elle ne sait plus quoi dire. « Besoin de se détendre » ? Mais que cherche-t-elle exactement ? Est-elle en train de la tester ou veut-elle juste se moquer d'elle ?
Bien vite cependant, Priscille se calme et semble revenir à son état normal.
— D'accord, excuse-moi, je n'aurais pas dû faire ça. Je ne sais pas ce qui m'a pris. C'est cette potion, je crois. Il faut que mon corps s'habitue. Ce n'est pas facile, tu sais. Me pardonnes-tu ?
— Bien sûr, répond Anaïs, toujours méfiante. Ce n'est pas si grave que ça. Excuse-moi si j'ai mal réagi. Tu es sûre que ça va aller maintenant ?
— Oui, oui, pas de problème ! J'aimerais juste te demander...
— Quoi ?
— Veux-tu bien rester avec moi cette nuit ? Je... J'ai besoin que tu sois là. S'il te plaît.
Anaïs contemple son amie d'un oeil prudent. Elle ne sait trop sur quel pied danser. Finalement, elle accepte.
— Tu peux compter sur moi. Je ne sais pas ce que tu as, mais si tu as besoin de moi, je ne vais pas t'abandonner.
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Mornglass
FantasyQuand on est princesse dans le monde d'Eles, seize ans, c'est l'âge où tout bascule. Malheureusement pour Priscille, son destin n'est pas celui dont elle avait rêvé. Son amie Anaïs, simple servante, parviendra-t-elle à la sauver ? Dans un monde fant...