Chapitre Deux (suite et fin)

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— Arrête de rêvasser  ! La nourriture ne va pas se déplacer toute seule  !

Émergeant de ses pensées, Anaïs chasse de son esprit les élucubrations du Grand Révélateur pour s'emparer d'un large plat rempli de croissants et autres mignardises. C'est pour la reine, sa fille et son nouveau gendre.

— Et arrange un peu tes cheveux  ! Tu ne ressembles à rien  !

La mère d'Anaïs est montée en grade  : elle est désormais grande intendante du château de Mornglass. Malheureusement, ce n'est pas ça qui la rend plus aimable ni plus indulgente avec sa fille.

— Mes cheveux sont très bien comme ça, mère  ! Arrêtez de me prendre pour une petite fille  !

— Oh mais oui  ! Ils sont parfaits  ! Parfaits si tu veux en répandre un peu partout  ! Je suis sûre que ses altesses seront ravies d'en déguster avec leurs croissants  !

Furieuse, comprenant qu'autrement elle n'aura pas la paix, Anaïs dépose son plateau et attache ses cheveux en queue de cheval. Ce qui l'énerve surtout, c'est de se dire que sa mère a encore raison  ; on ne laisse pas sa chevelure en bataille quand on travaille dans une cuisine. Sans rien ajouter, elle reprend son plateau et se dirige prestement vers la salle du petit déjeuner. Il ne faudrait pas que ses altesses s'impatientent.

Mais une fois sur place, surprise  : il n'y a personne. La reine était pourtant là. Où sont-ils tous passés  ?

— Vous cherchez quelqu'un, belle enfant  ? murmure soudain une voix tout près de son oreille.

Sous l'effet de surprise, elle sursaute et fait tomber plusieurs croissants de son plateau.

Derrière elle se tient le prince Ollivier.

Bien évidemment. Qui d'autre cela aurait-il pu être  ? Déjà quand il était chat, il avait cette détestable habitude d'arriver toujours lorsqu'on ne s'y attendait pas. Il n'y a pas de doute, c'est bien la même personne  ! Il a gardé exactement les mêmes manières  !

Elle se baisse pour ramasser les croissants et il la rejoint pour l'aider.

— J'y arriverai très bien toute seule, merci  !

Il ne s'éloigne pourtant pas et reste à la regarder en souriant. Toujours ce même sourire qu'elle pourrait trouver charmant, si elle ne savait pas qu'il se moque d'elle en permanence.

— C'est donc vous qui faites le service  ? Je pensais pourtant que vous accompagniez Priscille en tant que meilleure amie, pas en tant que servante. Vous n'êtes donc pas ici pour profiter de vacances bien méritées  ?

— Si, et alors  ? Je n'ai pas l'habitude de rester à ne rien faire  ! Figurez-vous que j'éprouve un certain plaisir à me sentir utile et à rendre service. Mais ça, c'est sûrement un concept qui vous échappe totalement  ! C'est probablement très loin de vos habitudes  !

Pour toute réponse, il émet un petit rire.

Puis il ajoute  :

— Votre queue vous va à ravir  ! Je vous trouve très belle aujourd'hui  ! Je veux dire  : encore plus que d'habitude.

Elle s'interrompt et lui lance un regard noir.

— Que voulez-vous  ?

— Un petit pain et deux croissants, s'il vous plaît.

— Ce n'est pas ça que je vous demande  ; vous m'avez très bien comprise  ! Que manigancez-vous  ? Pourquoi êtes-vous revenu épouser Priscille  ?

MornglassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant