Introduction - 2

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Elle a attendu patiemment, malgré la faim, malgré le froid et la fatigue. Mais lorsque enfin la lumière commence à décroître, la vieille est à bout de forces. Elle ne peut empêcher ses yeux de se fermer.

La créature en profite.

Quand celle-ci émerge de sa tanière, elle détecte aussitôt la présence étrangère. Qui donc a osé s'aventurer dans son domaine  ? Qui a le culot de venir la narguer au coeur-même de son territoire  ? Elle qui fait fuir même les animaux les plus redoutés, elle qui remplit d'effroi même les pires sorciers. C'est une bête squelettique et noire comme la suie. Elle avance à quatre pattes en claudicant, comme si ses membres étaient disloqués. Sa démarche est souple pourtant, et silencieuse. Sa silhouette évoque davantage celle d'une araignée mais pourtant, à mieux y regarder, il y a quelque chose d'humain chez elle.

Humaine, elle l'a été. Il n'y a pas si longtemps que ça. Mais aujourd'hui elle n'est plus qu'un prédateur, assoiffé de chair fraîche.

Elle s'approche sans bruit de la vieille endormie. Cette dernière est une bien maigre proie en vérité, sa viande risque d'être coriace. Mais elle aurait bien tort de se priver de ce cadeau livré à domicile.

La vieille cependant ne dort que d'un oeil. Alertée par quelque intuition, elle se réveille brusquement pour découvrir la créature qui lui fait face. Cette dernière ne s'inquiète pas. Elle sait que cette faible femme serait de toute façon incapable de s'échapper et encore plus de lutter contre elle. Elle prend tout son temps. Elle va déguster ce frugal repas tranquillement, en prenant bien soin d'en mastiquer chaque morceau pour en extraire le jus  : ces quelques parcelles d'énergie vitale que la vieille porte encore en elle. Bien mâcher. Il ne faudrait pas que ça lui reste sur l'estomac.

La femme n'essaie pas de s'enfuir. Elle n'espère aucun secours et ne va rien tenter pour se défendre. Elle laisse simplement la bête s'approcher. Puis, lorsque celle-ci est tout près d'elle, lorsqu'elle peut vérifier avec certitude ce qu'elle supposait déjà, ce qu'elle avait cru deviner depuis cette première fois où elle l'avait vue, elle prononce un mot, un seul, d'une voix claire qui résonne dans la nuit comme un claquement  :

— Oltar  !

La créature se fige. Son visage, déjà très déformé, se tord davantage dans une grimace de douleur. Elle pousse un feulement qui se change en un cri perçant, puis elle se dresse, prête à frapper.

Mais bondit sur le côté et s'enfuit en courant.

Son cri strident, horrible, dément, retentit longuement dans ces bois maudits.




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