Chapitre Quarante-cinq

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Au château d'Antyla, Madame Kalisse se réveille en sursaut. Elle vient de faire un cauchemar. Elle a rêvé qu'elle était rétrogradée au rang de simple servante, reléguée aux basses besognes. Mais le pire, c'est qu'Anaïs, elle, était devenue princesse. Dans son rêve, cette petite parvenue avait réussi les dieux savent comment à épouser le comte. Madame Kalisse sent encore peser sur elle leurs regards moqueurs et entend résonner leurs rires cruels. Délires absurdes, qu'elle essaie de chasser de son esprit. Cela dit, tout n'était pas négatif dans ce rêve, car elle n'était pas la seule à être humiliée  : la princesse Priscille aussi était réduite à la condition de bonniche. Le plaisir de voir cette petite pimbêche les yeux rougis de larmes, en tenue de soubrette, obligée de se courber devant ses maîtres, valait la peine de souffrir quelque peu. Pour ce spectacle, Madame Kalisse serait presque prête à renoncer à son pouvoir. Presque. Heureusement, ce n'était qu'un stupide rêve. Dans la réalité, elle compte bien conserver son autorité. Et un jour peut-être, elle aura la jouissance infinie de voir la princesse et sa servante toutes deux à ses pieds. Ce jour-là, elle savourera chaque minute, chaque seconde de leur humiliation.

Leur déchéance sera son plus grand bonheur.

En attendant ce jour, elle doit se montrer prudente. Rien n'est encore joué.

Elle se lève péniblement. Sa tête est lourde et son corps courbaturé. Elle se regarde dans le miroir. N'a-t-elle pas gagné quelques rides  ? Elle paraît plus vieille que le jour précédent. À ses côtés, le cristal est toujours là, mais il est moins brillant, ses reflets moins chatoyants.

Une angoisse l'étreint. Que se passe-t-il  ?!

Où est le chat  ? Lui pourrait la renseigner, la rassurer, lui dire comment faire. Mais évidemment, il n'est jamais là quand on aimerait le voir.

Elle appelle la garde.

— Trouvez-moi le chat  !

— Lequel, Madame  ?

— Je n'en connais qu'un, espèce d'abruti  ! Lemnis  !

— Ah. Et une fois qu'on l'aura trouvé, que doit-on faire  ?

— Amenez-le moi tout de suite  !

— Bien. Et s'il ne veut pas venir  ?

Madame Kalisse pousse un soupir d'exaspération. Ces soldats sont vraiment les pires lourdauds qu'il soit possible d'imaginer.

— Écoutez-moi attentivement  : soit vous me le ramenez dans les plus brefs délais, soit je vous assure que vous n'aurez plus jamais à me ramener qui que soit. Plus jamais. Me suis-je bien fait comprendre  ?

Les deux gardes peinent visiblement à saisir la portée exacte de cette phrase et restent là à attendre la suite des instructions, jusqu'à ce qu'elle hurle  :

— Allez-y  ! Maintenant  !!

MornglassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant