Chapitre Trente-deux

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Sur son visage, presque plus de rides. Sa poitrine s'est raffermie  ; sous son corsage, ses seins ont glonflé. Ses mains sont lisses. Sa peau est douce. Même sa chevelure a retrouvé de la vigueur.

Pas de doute  : elle a rajeuni  !

En se contemplant dans le miroir, Madame Kalisse a du mal à retenir ses larmes tant elle est émue. Elle se trouve belle. Envolée, la vieille femme  ! On lui donnerait maintenant à peine quarante ans. Une superbe femme de quarante ans  ! Pourtant, à cet âge-là, elle s'en souvient, elle se trouvait déjà vieille et laide. En fait, elle ne s'est jamais trouvé belle, même à vingt ans. Comment a-t-elle pu être aussi stupide  ? Elle s'en rend compte, maintenant qu'elle a retrouvé un corps dans la force de l'âge. Quel gâchis  ! Dire que pendant tout ce temps, elle aurait pu être heureuse  ! Si seulement... Si seulement on lui avait dit qu'elle était belle  !

Mais elle compte bien se rattraper. Aujourd'hui que la vie lui offre une seconde chance, grâce à ce cristal et son formidable pouvoir, elle va pouvoir tout recommencer. Et connaître enfin le bonheur, elle aussi.

— Vous êtes resplendissante  ! Et encore  : ce n'est qu'un début  !

Lemnis.

Depuis qu'elle est possession du cristal, cet animal n'arrête pas de tourner autour d'elle. Il lui a expliqué comment s'en servir, quels avantages elle pourrait en tirer. Elle lui en est très reconnaissante mais elle se méfie. Elle le soupçonne de convoiter lui aussi cet objet.

— Si vous le souhaitez, bientôt vous retrouverez un teint de jeune adolescente  !

— Et pourquoi pas me transformer en nourrison, tant que vous y êtes  !? Non, inutile d'en vouloir plus  : je me trouve très bien comme je suis actuellement.

— C'est une sage décision. Mais vous savez, il n'y a pas que le rajeunissement que le cristal peut vous offrir.

— Pour le moment, je m'en contenterai tout à fait  ! Qu'est-ce qui pourrait être plus important, de toute façon  ?

— Le pouvoir...

— Le pouvoir  ? Quel genre de pouvoir  ?

— Tous les pouvoirs...

— Vraiment  ? C'est donc pour cela qu'il vous attire tant  ?

— Moi  ? Oh, non. Nous les chats, nous avons déjà le pouvoir de nous promener où nous voulons, de faire la sieste quand nous en avons envie et de recevoir des caresses à volonté. De quoi pourrions-nous rêver de mieux  ?

— Si vous le dites. Je vous prierai néanmoins de garder vos distances, monsieur l'animal  !

— Comme il vous siéra, belle dame  !

Leur conversation est interrompue par l'arrivée d'un groupe de soldats qui fait irruption dans la chambre de Madame Kalisse sans même prendre la peine de frapper à la porte.

— Comment osez-vous  ?! Qui vous a donné l'autorisation  ?!

— Désolé, Madame  : nous avons des ordres de Monsieur le Comte  !

— Vraiment  ? Et quels sont-ils  ? demande la gouvernante soudain inquiète, qui imperceptiblement se place devant le cristal pour le cacher à leur vue.

— Des prisonnières se sont enfuies  ! Nous savons qu'elles se cachent quelque part dans le château. Nous avons ordre de tout fouiller  !

Au moins ils n'en veulent pas à son précieux objet. Quel soulagement  !

— Des prisonnières  ? Et vous pensez que j'en cache l'une ou l'autre dans mes tiroirs  ?

— Euh, non, c'est-à-dire...

— Dépêchez-vous d'inspecter les lieux  ! Vous me faites perdre mon temps  ! Et n'oubliez pas de vérifier sous mon lit  ! Désirez-vous en plus que je vous ouvre mon coffret à bijoux  ? Des fois que l'une d'entre elles serait parvenue à se changer en saphir  !

— Euh, non Madame, ça ira...

Les soldats examinent la pièce, ce qui ne leur prend que trente secondes, puis ils s'en vont poursuivre leur tournée d'inspection.

— Vous l'avez échappé belle.

Pendant tout ce temps, Lemnis est resté tranquillement assis à sa place.

— Que voulez-vous dire  ?

— Qu'auriez-vous fait s'ils vous avaient pris votre cristal  ?

— D'abord, ce n'est pas mon cristal. Ensuite, je n'ai jamais eu l'intention de le garder  : si je le conserve, c'est uniquement en vue de le restituer à Son Excellence.

— Voilà qui est tout à votre honneur. Mais pour mieux encore veiller sur lui, vous feriez mieux d'utiliser son pouvoir. On ne sait jamais  : des gens mal intentionnés pourraient s'introduire dans votre chambre et vous le dérober.

— Que proposez-vous exactement  ?

— Je vais vous apprendre à utiliser sa magie. Après cela, vous n'aurez plus rien à redouter, de qui que ce soit. 


MornglassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant