Chapitre Vingt-deux

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— Je vais partir.

Le soir est tombé sur le château d'Antyla. Debout devant la fenêtre, la princesse Priscille contemple les quelques lueurs qui éclairent l'horizon sous un ciel d'encre.

Derrière elle, Anaïs se tient prudemment à distance.

— La guerre va commencer et mon oncle a besoin de moi auprès de lui.

— Pourquoi cela ? Tu n'as pourtant rien d'une guerrière !

— Je sais. Il m'a pourtant assuré que ma présence serait essentielle sur le champ de bataille.

— N'y va pas ! Rien ne peut t'obliger à participer à cela !

Anaïs sait qu'elle prend des risques en donnant ce genre de conseil. Le Comte n'apprécierait sûrement pas. Mais elle n'en peut plus de se taire. Elle n'en peut plus de se laisser faire et de trahir à la fois son amie et ses convictions profondes.

Priscille se retourne vers elle.

— C'est mon choix. Je dois aller jusqu'au bout de mes engagements.

— Et moi dans tout cela ?

— Toi, tu restes ici.

— Tu me laisses toute seule ?

— Cela vaut mieux pour toi. Tu le sais. Tu seras davantage en sécurité si tu es loin de moi.

— Priscille... Te rends-tu compte de ce que es en train de me dire ? Tu rends-tu compte de ce que tu es en train de devenir ?

— Je ne le sais que trop. Mais c'est provisoire, mon oncle me l'a assuré. Juste quelques effets secondaires de la magie qui opère en moi.

— J'aimerais le croire. Vraiment, j'aimerais beaucoup que ce soit vrai. Mais...

— Quand je reviendrai, tout ira mieux. En attendant, il vaut mieux que tu restes à distance, pour ta propre sécurité.

— Et si tu ne revenais pas ?

— Alors tu serais définitivement débarrassée de ce problème.

— Ne parle pas comme ça ! Je te l'interdis !

Anaïs s'interrompt pour essuyer les larmes qu'elle ne peut plus retenir.

— Tu es malade, Priscille. Il faut te soigner. Ne vois-tu pas ce qu'il est en train de faire de toi ? Comment peux-tu encore lui faire confiance ?!

Immobile, Priscille contemple son amie. Sa respiration s'accélère alors qu'une lueur inquiétante commence à briller dans ses yeux.

Puis elle se détourne brusquement et regarde à nouveau par la fenêtre.

— Va-t'en, maintenant ! Sors d'ici au plus vite !

— Non... Je ne veux pas te laisser comme ça...

Entrant soudain dans une rage folle, la princesse lui hurle :

— Mais va-t'en ! Va-t'en je te dis !!

Elle quitte la fenêtre pour faire quelques pas en direction d'Anaïs qui recule instinctivement, surprise par la violence de sa réaction, effrayée par cette explosion de colère. Le visage déformé par l'agressivité, elle continue de l'invectiver, répétant encore et toujours :

— Va-t'en ! Va-t'en ! Va-t'en !!

Anaïs finit par sortir en courant, presque aveuglée par ses larmes.


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