Chapitre Vingt-et-un

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Assis à son bureau, le comte est penché sur ses écritures. Cela fait dix minutes qu'Anaïs poireaute et il n'a pas encore pris la peine de lever les yeux sur elle. Après encore plusieurs longues minutes d'attente, il se lève enfin et vient se planter face à elle, mains derrière le dos, droit comme un « i ».

Il a le don de l'impressionner. À côté de lui, elle se sent toujours toute petite, si vulnérable. Elle ignore si c'est sa manière de la regarder, son regard fixe, ou bien son air sévère qui lui fait cet effet. À moins que ce ne soit seulement le fait qu'il est le comte Oltar. Le terrible comte Oltar, à la réputation si sulfureuse. Le personnage le plus riche et le plus puissant d'Eles. Le sorcier le plus redouté.

Et celui qui s'apprête à plonger le monde dans la guerre.

Elle devrait le détester pour tout cela, ainsi que pour le mal qu'il fait à son amie. Mais face à lui, c'est plus fort qu'elle, ses pensées s'embrouillent et elle a l'impression de ne plus être qu'une chiffe molle. Il pourrait faire d'elle ce qu'il veut, elle sait qu'elle serait dans l'incapacité d'émettre la moindre résistance.

Il se contente pourtant de l'interroger :

— Parlez, je vous écoute !

Elle lui raconte tout : le comportement bizarre de son amie, son air étrange, jusqu'à cette terrible nuit où elle s'est réveillée en sang.

Le comte n'a pas l'air ému.

Ni même étonné.

— Rien d'autre ? demande-t-il sans cesser de la fixer.

— Euh, non, rien d'autre Votre Altesse...

— Très bien. Vous pouvez disposer !

Et il tourne le dos.

Anaïs hésite, puis elle se lance :

— Mais que dois-je faire ?

— Comment cela ?

— Si elle m'attaque à nouveau...

Il se rapproche.

— Mademoiselle, quelle est votre fonction ?

— Eh bien, je ne suis qu'une modeste servante.

— Exact. Vous êtes donc là pour servir, n'est-ce pas ?

— Oui.

— Dans ce cas, continuez à servir !

— Mais je...

— Il n'y a pas de mais ! Si vous ne vous sentez pas à la hauteur, je trouverai facilement quelqu'un d'autre ! Est-ce cela que vous souhaitez ?

— Oh non ! Non, Votre Excellence ! C'est juste que je me fais beaucoup de souci pour la princesse.

À son grand soulagement, le comte se radoucit. Il lui offre même l'ébauche d'un sourire et approche sa main de son visage pour effleurer sa joue du bout de ses doigts.

— Vous ne devez pas vous inquiéter, reprend-il d'une voix douce. Tout cela est parfaitement normal. Il se peut que la princesse ait encore envie de vous faire mal. Si elle le fait, c'est qu'elle en a besoin. Et votre rôle à vous, c'est de satisfaire ce besoin.

Il attrape son menton et vient déposer un baiser sur ses lèvres tremblantes.

Puis il ajoute, le visage collé contre le sien :

— Comme n'importe quelle servante se doit de satisfaire les besoins de sa maîtresse.


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