La salle du trône est déserte, de même que la salle de bal. Dans le salon bleu : personne. Personne non plus dans les couloirs ni dans les cuisines. Quoique... Madame Kalisse s'arrête lorsqu'elle entend un bruit. Peut-être simplement un rat. À moins que... Elle ouvre brusquement la porte d'un placard et découvre quelqu'un qui s'y trouve caché. Malheureusement, il ne s'agit pas d'une des prisonnières : seulement d'un garçon cuisinier qui pousse un cri en la voyant.
— Bon sang, mais qu'est-ce que vous fichez là ?!
— Je me cache !
— Je le vois bien, mais pourquoi ?
— Parce que j'ai peur ! Il paraît que des monstres circulent dans le château !
— Des monstres ?
— Des créatures assoiffées de sang ! Si elles vous trouvent, elles vous videront de votre substance !
— Ça m'étonnerait. Savez-vous où se trouvent ces créatures ?
— Oh non ! Et je ne veux pas le savoir ! Maintenant laissez-moi et taisez-vous, je vous en supplie ! Vous allez les attirer !
Madame Kalisse n'essaie pas de discuter avec cette andouille et passe son chemin. Direction, la salle des gardes. Lorsqu'elle en franchit la porte, elle se retrouve face à une quinzaine d'hommes couverts d'armures, retranchés derrière leurs boucliers et pointant dans sa direction piques, arbalètes et autres bâtons de feu. Ils commencent à tirer dans sa direction, heureusement sans l'atteindre, lorsque la voix de leur chef retentit :
— Stop ! Cessez le feu ! C'est la vieille gouvernante !
Madame Kalisse ne prend pas la peine de relever le terme « vieille » ; elle a d'autres priorités pour l'instant.
— Mais bon sang ! À quoi jouez-vous ?!
— On tend un piège aux prisonnières.
— Un piège ? Ici ? Retranchés dans vos campements ?
— Oui : on attend qu'elles nous trouvent. Dès que l'une d'elles franchira la porte, on ne lui laissera aucune chance !
Ces hommes ne constituent pas l'élite des soldats du comte. Ils seraient même plutôt les pires, ceux qu'il a jugé inutile d'emmener avec lui sur le champ de bataille.
— Je vois. Sachez que Son Excellence le Comte Oltar m'a personnellement contactée. Il me charge de vous transmettre ce message : si les prisonnières ne sont pas rapidement ramenées dans leurs cellules, vous serez tous amputés de vos deux bras et de vos deux jambes, puis vous serez installés en ligne dans le hall d'entrée où vous servirez de statues vivantes pour accueillir les visiteurs et accessoirement de porte-manteaux.
Les soldats se mettent à pâlir. Ils savent que ce genre de menace n'est pas à prendre à la légère. C'est typiquement le style de châtiment que le comte se ferait un malin plaisir à mettre en application avec tout le raffinement qui s'impose.
— Mais au cas où malgré tout vous manqueriez encore de zèle, poursuit Madame Kalisse en faisant brûler du feu entre ses mains, sachez que j'ai personnellement les moyens de vous aider à trouver la motivation nécessaire. Cela sera-t-il nécessaire ?
— Euh, non, non...
— Alors emparez-vous de ces filles, bandes d'idiots ! Elles n'ont aucun pouvoir particulier, si ce n'est celui d'abuser de votre incommensurable stupidité !
Les soldats n'attendent pas leur reste et se hâtent de sortir de la caserne.
— Et ramenez aussi la servante Anaïs ! Celle-là, je lui réserve un traitement spécial !
Si le comte lui avait fait davantage confiance depuis le début, sûr que rien de tout cela ne serait arrivé. Mais il n'est pas trop tard ; elle va se faire un plaisir de tout remettre en ordre. Désormais, les habitants de ce château vont apprendre à marcher droit. Le comte s'est montré beaucoup trop laxiste avec eux. Avec elle, ça va changer. Fini les vacances !
— Impressionnant ! Vraiment très impressionnant !
Lemnis.
Assis par terre, le chat se tient bien droit.
— Il manquait dans ce château une personne comme vous. Le comte s'occupe beaucoup trop de politique et pas assez de ce qui se passe autour de lui. Vous êtes la nouvelle maîtresse dont ces lieux avaient besoin.
Cet animal n'est qu'un vil flatteur. Néanmoins, ce genre de compliment n'est jamais désagréable à entendre. Elle le laisse donc parler.
— J'espère juste que vous continuerez à tolérer ma présence, ajoute-t-il. Je ne suis pas très exigeant : je demande juste un peu de lait dans une gamelle et la liberté de chasser les souris.
Elle s'approche de lui et le caresse derrière les oreilles.
— Je dois bien admettre que les chats sont des animaux un peu moins stupides que les autres. Je vous donne l'autorisation de rester, cher Lemnis...
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Mornglass
FantasyQuand on est princesse dans le monde d'Eles, seize ans, c'est l'âge où tout bascule. Malheureusement pour Priscille, son destin n'est pas celui dont elle avait rêvé. Son amie Anaïs, simple servante, parviendra-t-elle à la sauver ? Dans un monde fant...