La cérémonie

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C'est une cérémonie grandiose, fastueuse et émouvante. C'est le mariage qui a lieu en premier, car l'amour est plus important que tout. Ensuite, la couronne d'Antyla est posée sur la tête de Priscille, par celui-là même qu'elle vient d'épouser.

C'est le plus beau jour de sa vie... puissance dix  !

Jamais dans toute l'histoire d'Eles personne n'a atteint un tel bonheur  ! Impossible  !

Elle a désormais tout ce qu'une jeune fille peut rêver  : la jeunesse, la beauté, l'amour et même la gloire.

Dommage qu'elle ne soit pas éternelle. Si seulement la potion d'Oltar pouvait fonctionner sans aucun effet secondaire, elle serait alors la nouvelle déesse de ce monde. Mais de toute façon, le comte n'est plus et ses secrets ont disparu avec lui. Quand même, il faudra qu'elle se renseigne un de ces jours. Elle posera la question à Désira qui s'y connaît un peu en magie. Peut-être ensemble parviendront-elles à mettre au point une potion semblable.

Priscille a fait la connaissance des anciennes épouses du comte et a noué des liens d'amitié étroits avec chacune d'entre elles. Malgré leurs différences, elles sont unies par ce qu'elles ont vécu. Par ce qu'il leur a fait subir. Il leur en restera toujours des séquelles. C'est quelque chose que les autres ne peuvent comprendre.

Elle espère que celles-ci resteront à Antyla avec elle. Ce n'est pas la place qui manque ici et elle les a assurées qu'elles y seraient toujours chez elles.

Parmi ses bonnes amies, il y a aussi la duchesse Carla. Bien qu'elle n'approuve pas les moeurs dépravées de celle-ci, Priscille attache beaucoup d'importance à son opinion. C'est une jeune femme d'expérience et qui connaît bien les dessous de la vie de cour.

Dans son entourage, il y a également Capucine, sa nouvelle dame de compagnie. Ce n'est pas la plus adroite, mais elle est gentille. Elle a déjà eu tellement de malheurs dans sa vie que Priscille l'a prise sous sa protection.

Puis il y a Ollivier, bien sûr. Prince de Villeneuve et maintenant aussi roi d'Antyla. Son amoureux, son mari, son trésor, son tout. La meilleure chose qui lui soit jamais arrivée  ! Il a les cheveux châtain soyeux, des yeux bleus magnifiques et de charmantes fossettes quand il sourit. Il est doux, attentionné et surtout tellement drôle  ! Sans compter qu'il a un corps superbe. Enfin... Du moins d'après ce qu'elle a pu en voir jusqu'à présent. Car évidemment ils n'ont pas encore fait l'amour. Non pas que ce soit une interdiction, simplement ils n'en ont pas encore eu le temps. C'est mieux ainsi  : cette nuit, elle se donnera à lui. Il sera le premier. Ce sera merveilleux  ; il ne peut en être autrement. Elle ne regrette rien de tout ce qui s'est passé. Toutes ces épreuves et toutes ces privations n'auront servi qu'à la préparer à ce jour, béni entre tous.

Après la cérémonie, un somptueux repas est servi dans les jardins du château, agrémenté des meilleurs jongleurs, acrobates et musiciens, venus des quatre coins du pays.

Anaïs fait partie des convives.

Elle a conscience d'être en sursis. Bientôt, elle redeviendra servante. Tout ce qu'elle espère, c'est que son amie n'oubliera pas les services qu'elle lui a rendus. Elle pourrait la nommer grande intendante, par exemple. Si elle le voulait, en tant que reine, elle pourrait même lui offrir un titre de noblesse. Elle deviendrait la baronne Anaïs. Mais son amie y pensera-t-elle seulement  ? Elle est toujours tellement centrée sur sa petite personne. Anaïs pourrait lui demander directement, mais elle a peur de passer pour une arriviste. Elle ne voudrait pas qu'on pense que c'est la seule chose qui l'intéresse. Et si elle se heurtait à un refus  ? Après tout, Priscille ne souhaite peut-être pas qu'elle s'affranchisse de sa condition de servante. Depuis toujours elle la connaît ainsi. Elle n'a peut-être pas envie que cela change.

Se tenant à l'écart des invités, Anaïs boit une coupe de champagne plongée dans ses pensées lorsque quelqu'un la surprend  :

— Une belle fille comme vous ne devrait jamais rester à l'écart  !

C'est le prince Ollivier. L'époux de Priscille. Elle ne l'avait pas vu approcher. Le jeune homme la regarde avec un grand et charmant sourire, la tête légèrement penchée sur le côté.

— Profitez de votre jeunesse, Mademoiselle... Anaïs, c'est ça  ? C'est un bien trop précieux et trop fragile pour le gaspiller  !

Elle ressent toujours ce même malaise en sa présence. Il y a quelque chose dans ses manières, dans son air un peu moqueur qui lui déplaît. Au fond d'elle, elle est convaincue que ce n'est qu'un profiteur qui a réussi à séduire son amie en la baratinant.

— Que voilà un curieux discours pour un jeune prince.

— Oh, mais c'est que je n'ai pas toujours été prince, vous savez  !

Se moque-t-il d'elle  ? Voudrait-il lui faire croire qu'il a été domestique lui aussi  ?

— Ah bon. Et vous étiez quoi avant  ? Un crapaud  ?

— Non...

Il la regarde fixement. Il y a dans son regard quelque chose qui la perturbe. Elle a l'impression qu'ils se sont déjà vus quelque part.

— Non, reprend-il, pas un crapaud  : un chat  !

Et le voilà qui s'en va dans un grand rire.

MornglassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant