Chapitre Trois (suite)

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Anaïs regrette d'avoir accompagné son amie. Vivement que cette journée se termine  !

Comment cet homme peut-il se moquer du monde à ce point  ? Comment ose-t-il lui dire des mots d'amour alors même qu'il tient Priscille dans ses bras  ? Il est vraiment le personnage le plus détestable qu'elle ait jamais rencontré. Elle voudrait se jeter sur lui pour l'étrangler  ! Qu'il perde enfin sa belle assurance et, surtout, qu'il se taise  ! En attendant, elle s'applique à ne plus le regarder. À force de l'ignorer, il finira peut-être par se lasser de son jeu pervers.

Après la randonnée au moulin, ils ont pris une calèche pour faire visiter au prince la ville d'Alara. Il n'y a pas beaucoup de villes, dans le royaume de Mornglass et elles ne sont pas très grandes  ; le pays est principalement constitué d'une succession de villages et de châteaux. Alara est une agréable bourgade aux bâtiments de pierre, parcourue de nombreux canaux, avec des commerces qui étalent leurs échoppes en plein air et plusieurs marchés permanents. S'y déroulent tous les jours des manifestations culturelles ou sportives. On y vient pour se rencontrer, pour échanger et s'amuser. Son maire n'est autre que le Ministre des Divertissements du royaume et la ville toute entière n'est dédiée qu'à ces buts  : proposer des activités de loisir, organiser des rassemblements et produire des objets qui contribuent au bien-être. On y trouve tous les produits de luxe  ; il y a plusieurs musées et de nombreux restaurants gastronomiques, à des prix très abordables. On y joue en plein air et gratuitement, toutes sortes de représentations théâtrales, concerts ou spectacles de cirque. On ne s'ennuie jamais à Alara.

Mais pour le moment, Anaïs voudrait être partout sauf ici.

Pour couronner le tout, Priscille a invité cette petite idiote de Samanda pour les accompagner dans leur balade. Samanda est une servante du château, tout comme Anaïs, sauf qu'elle n'a pas plus de cervelle qu'un moineau et qu'elle n'a pas son pareil pour médire et faire circuler toutes sortes de potins. C'est d'ailleurs pour ça que Priscille l'a fait venir  : pour se tenir au courant des dernières nouvelles du royaume. Mais tout ce que Samanda a à raconter, ce sont des rumeurs concernant les infidélités des uns et les vices secrets des autres. Anaïs a du mal à la supporter. Peut-être est-ce aussi parce qu'elle est jalouse  : elle n'aime pas qu'une autre servante vienne s'attirer les faveurs de la princesse. Et elle sait que Samanda est une petite arriviste qui n'hésiterait pas à répandre les pires mensonges à son sujet si ça pouvait l'aider à prendre sa place.

Mais après tout, si ça l'amuse, qu'elle la prenne, sa place  ! Être la meilleure amie de Priscille, ce n'est pas de tout repos. Parfois, Anaïs se dit qu'elle aurait bien besoin de quelques vacances, loin de son amie princesse et de toutes les complications qui en découlent.

— Il paraît, déclare Samanda, qu'on a vu le chat Lemnis rôder du côté de Barjerue  !

À ces mots, Anaïs relève la tête et regarde Ollivier. Ce dernier est assis juste en face d'elle dans la calèche. Il reste tranquille et lui offre un grand sourire.

Priscille, qui se tient à côté d'Anaïs, juste en face de Samanda, fronce les sourcils et lui demande  :

— Je n'aime pas beaucoup ça. Qu'en pensez-vous, mon prince  ?

— Pas grand chose, répond celui-ci sans quitter Anaïs des yeux, car en ce moment, toutes mes pensées sont dirigées vers celle que j'aime. C'est tout ce qui compte pour moi  !

Anaïs s'en veut d'avoir levé les yeux sur lui  ; elle se mord les lèvres pour contenir son énervement.

La conversation glisse sur une autre rumeur et on oublie le chat Lemnis.

Au bout d'un moment, Priscille finit tout de même par remarquer l'humeur morose d'Anaïs et s'inquiète pour elle. Cette dernière s'efforce de la rassurer  : tout va on ne peut mieux  ! Mais Priscille n'est pas convaincue. Après un moment de réflexion, elle lui dit  :

— Tu sais, je suis convaincue que toi aussi tu finiras par trouver ton prince charmant. Je suis sûre qu'il n'est pas loin  !

— C'est certain  ! enchérit Ollivier. Même probablement beaucoup plus près que vous ne le pensez  !

Anaïs s'efforce de sourire et Priscille n'y voit que du feu. Mais Samanda, elle, remarque le regard noir qu'Anaïs jette en direction du prince Ollivier. Intriguée, elle commence à les considérer tous deux avec intérêt. Pour certaines choses, cette petite peste n'est pas si bête que ça. Ce n'est pas pour rien qu'elle est la reine des commères  ; elle est douée d'un instinct naturel pour dépister les non-dits. Il ne manquerait plus qu'elle aille répandre de fausses rumeurs à ce sujet.






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