C'est un vieux moulin à eau dont la roue a cessé de tourner depuis bien longtemps. Niché dans le méandre d'une rivière, il est abandonné en pleine forêt, à des kilomètres du premier village. Il n'en faudrait pourtant pas beaucoup pour le remettre en état : quelques ardoises à remplacer, quelques travaux de menuiserie et il serait comme neuf. Mais perdu dans un endroit difficile d'accès, il semble oublié de tous. De tous ? Pas vraiment : trois jeunes gens arrivent en ce moment jusqu'à lui, un garçon et deux filles, les deux premiers richement habillés et la troisième d'une tenue un peu plus modeste.
— Et voilà ! s'exclame Priscille. Notre petit coin secret ! Alors ? Ne t'avais-je pas dit que c'était merveilleux ?!
Ollivier contemple les lieux d'un air intéressé.
— Un peu délabré mais charmant, en effet ! À qui cela appartient-il ?
Priscille hausse les épaules.
— D'une certaine manière, tout ce qui se trouve dans le royaume de Mornglass m'appartient. Ou plutôt à ma mère, mais bon, ça revient au même. C'est ici que nous venions nous amuser toutes les deux quand nous étions gamines ! T'en souviens-tu, Anaïs ?
Oh oui, elle s'en souvient ! À la vue du vieux moulin, une foule d'images envahissent l'esprit de la jeune fille. Elle se rappelle leurs escapades, leurs ruses pour fausser compagnie aux gardes de Priscille, leurs expéditions dans la forêt et leurs jeux dans l'eau glacée du torrent. Surprises un jour par l'arrivée d'un groupe de garçons plus âgés qu'elles, elles s'étaient réfugiées à l'intérieur du moulin et s'étaient mises à faire des bruits bizarres pour faire croire que le bâtiment était hanté. Ça avait si bien marché que les garçons s'étaient enfuis en courant, allant raconter leur mésaventure à tout le monde. Depuis ce jour, d'étranges histoires circulent au sujet de ce moulin et de la soi-disant malédiction qui le frappe. Une légende qui contribue à le maintenir dans sa paisible solitude.
Pour Anaïs, c'était le temps du bonheur et de l'insouciance. Comme si la vie ne serait jamais pour elle qu'une longue suite d'aventures, sans réel danger ni conséquences. Sans équivoques ni déchirements.
— Comme j'aimerais remonter dans le temps, s'exclame Ollivier, pour vous observer jouer toutes les deux ! Je me transformerais en petite souris – ou bien en chat ! et je passerais des heures rien qu'à vous regarder.
Mais alors qu'il tient Priscille par la taille, c'est Anaïs qu'il regarde fixement.
— Comme je voudrais vous avoir connue plus tôt, ma bien-aimée ! poursuit-il. Et comme je voudrais rattraper tout ce temps perdu !
— Oh mais il n'est pas trop tard ! répond Priscille sans se rendre compte de rien. Nous avons toute la vie devant nous, mon chéri !
Elle se tourne et vient se blottir dans ses bras.
— Si vous saviez, ajoute-t-elle dans un soupir, comme je vous aime, mon prince !
Et lui, toujours en regardant Anaïs :
— Je vous aime comme jamais je n'ai aimé personne, comme jamais je ne croyais possible d'aimer. Pour vous, je serais capable de tout. Du meilleur, comme du pire ! Vous devez me croire !
— Oh, mais je vous crois ! répond Priscille. Je suis capable de déceler l'amour véritable quand il est là. Lorsque je vous regarde, mon coeur n'a aucun doute : c'est un homme amoureux que je vois !
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Mornglass
FantastikQuand on est princesse dans le monde d'Eles, seize ans, c'est l'âge où tout bascule. Malheureusement pour Priscille, son destin n'est pas celui dont elle avait rêvé. Son amie Anaïs, simple servante, parviendra-t-elle à la sauver ? Dans un monde fant...