Priscille se sent un peu mieux. D'abord parce que son corps a enfin reçu la nourriture qu'il réclamait depuis si longtemps. Ensuite parce que son oncle fait preuve de beaucoup de tendresse à son égard, ce qui ne lui était encore jamais arrivé. Blottie dans ses bras, elle se laisse diriger vers une destination inconnue. Elle veut croire qu'il dit vrai. Que tout va s'arranger. Qu'il va la délivrer définitivement de ses tourments.
La nuit est tombée. Ils marchent dans la forêt. Ils arrivent dans une clairière faiblement éclairée, au centre de laquelle se trouve installée une table.
— Il faut vous déshabiller, maintenant.
Sans attendre sa réponse, il commence à déboutonner le justaucorps dont elle est vêtue.
Priscille a un geste de pudeur lorsque ses seins se libèrent, mais il la morigène gentiment :
— Allons, ne fais pas l'enfant...
C'est la première fois qu'il la tutoie. Cela lui fait un effet singulier. Elle n'a pas la force de lui dire non. La voilà ainsi qui se retrouve en petite culotte, qu'il enlève à son tour sans faire de manières. Priscille voile sa nudité comme elle peut et regarde autour d'elle, mais apparemment il n'y a personne dans les environs.
— Allonge-toi !
Elle obéit sans poser de questions. À quoi bon ? Elle suppose qu'il sait ce qu'il fait.
Mais lorsqu'il prend un de ses poignets pour l'attacher, elle commence tout de même à s'inquiéter.
— Qu'allez-vous faire ?
Pour toute réponse, il se contente de lui sourire affectueusement.
Pourquoi est-elle si docile ? Elle ne le sait pas. La pression qu'elle a subi ces derniers jours, sans doute. Elle a perdu tous ses points de repère. La seule chose qui la guide pour le moment, c'est la voix de son oncle et son regard rassurant.
Après avoir lié ses poignets, il lui attache les chevilles.
Puis il s'en va.
Pendant son absence, elle a le temps de se poser toutes sortes de questions. Et s'il l'abandonnait ici ? Elle serait à la merci du premier soldat qui passe ou de la première créature rôdant dans ces bois. Mais c'est absurde, pourquoi ferait-il cela ?
Lorsqu'il revient, c'est en chantonnant :
« J'ai couru au bois, Lizette
Voir si les pâquerettes
Étaient en fleur
Mais elles ne l'étaient pas
C'est le loup qui était là »
Il porte à la main un pot empli d'une substance dont il commence à enduire le corps de la jeune fille à l'aide d'un pinceau. C'est une huile d'odeur nauséabonde et froide au contact.
— Que faites-vous, mon oncle ? demande-t-elle en faisant la grimace. Qu'est-ce que c'est ?
Mais il continue de chantonner :
« La loup m'a dit
Les fleurs sont parties
Les jolies fleurs
Qui font ton bonheur »
Priscille commence à se sentir mal. Elle voudrait se libérer, mais ses liens sont solides.
« C'est le mange-fleur
Qui les a mangées
Alors moi je vais
Manger ton coeur »
Il s'éloigne momentanément et lorsqu'il revient, il tient un volatile entre ses doigts.
Priscille pense d'abord qu'il s'agit d'un petit oiseau, puis elle remarque que la créature a des ailes de chauve-souris. Quant à son corps, il semble fait d'une matière visqueuse, un peu comme une limace. Oltar l'approche tout près de son visage pour qu'elle puisse mieux la contempler. L'animal est horrible : c'est une espèce de gros ver avec une bouche garnie de dents, qui bat frénétiquement ses ailes membraneuses.
— Ceci est un limaçor. Ces charmantes créatures se nourrissent de sang frais. Et elles sont très attirées par cet onguent dont je viens d'enduire ton corps.
Priscille contemple ce monstre avec des frissons d'horreur.
— Éloignez tout de suite cette chose immonde ! Et libérez-moi ! Je ne veux plus ! Je ne suis plus d'accord ! Je ne me sens pas prête, je préfère rester comme je suis ! Je vous en prie ! Défaites mes liens !
Mais le comte se contente de la fixer d'un regard où ne se lit plus aucune tendresse, juste une espèce de cruauté sadique et démente. Puis il libère l'animal, qui se précipite sur le corps de la jeune fille. Il vient se fixer sur son ventre où il applique sa bouche monstrueuse avec un effet ventouse, enfonçant dans sa chair tendre ses petites dents pointues tout en continuant à agiter ses ailes.
Priscille hurle de toutes ses forces et se débat, mais en vain.
Le comte, lui, se remet à chanter :
« Le loup m'a mangée
Moi qui voulais juste
Cueillir des fleurs
Quel grand malheur »
— Je vous en prie ! Ôtez-moi ça ! Je vous en supplie ! Je ferai tout ce que vous voulez ! Je ne vous décevrai plus ! Plus jamais ! Je vous le promets ! Ôtez-moi ça !
— Oh, mais rassure-toi, je finirai par te l'ôter...
Il s'éloigne puis revient avec un cage couverte par un voile. Lorsqu'il ôte ce voile, la princesse peut voir que la cage contient des limaçors par dizaines qui se bousculent en battant des ailes dans une agitation hystérique.
— ...dès que lui et ses amis se seront suffisamment gorgé de ta substance.
Il ouvre la cage.
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Mornglass
FantasyQuand on est princesse dans le monde d'Eles, seize ans, c'est l'âge où tout bascule. Malheureusement pour Priscille, son destin n'est pas celui dont elle avait rêvé. Son amie Anaïs, simple servante, parviendra-t-elle à la sauver ? Dans un monde fant...