Chapitre Quinze

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Perdue.

Anaïs était descendue pour récupérer ses maigres effets personnels, mais elle a dû se tromper quelque part car elle ne reconnaît plus rien. C'est sûrement à cause de ce vin que le comte lui a fait boire et qui lui tourne la tête. Et puis elle était perturbée par tout ce qu'il lui a dit. Et aussi par ce qu'il lui a fait : ce baiser. C'était bizarre, inattendu. Mais pas désagréable, loin de là. Elle s'en veut d'y avoir pris un certain plaisir. Elle aurait presque aimé qu'il aille plus loin. Mais il ne faut pas qu'elle se laisse aller à de tels sentiments. Elle n'est qu'une simple servante, que pourrait-elle attendre d'une pareille relation ? Elle ne représente rien pour lui. Qu'elle s'estime déjà heureuse de voir sa situation s'améliorer, elle ne doit rien espérer de plus.

Complètement désorientée, elle ère dans de sombres couloirs aux murs froids et humides. Elle est sûrement descendue beaucoup trop bas, il lui faut remonter. Lorsqu'elle trouve un escalier cependant, elle entend un cri et se fige. C'est un cri de jeune fille, un long cri de douleur qui la bouleverse.

Il provient d'en bas.

Elle n'hésite qu'une seconde avant de changer de direction. Elle doit savoir de qui provient ce cri.

Il fait de plus en plus noir, par ici. Elle perçoit le bruit furtif de petits animaux qui courent le long des murs ; des rats, sans doute. Voire quelque chose de pire. Elle hésite à continuer lorsque le cri plaintif se fait à nouveau entendre, suivi par des sanglots. Encore quelques pas et elle se retrouve face à une porte translucide : cela ressemble à une image projetée en hologramme. Prudemment, elle avance la main jusqu'à cette surface brillante ; elle ne ressent qu'un léger picotement et ses doigts passent à travers la membrane. Elle continue et la traverse entièrement.

De l'autre côté : d'autres couloirs, faiblement éclairés. Elle continue en suivant la direction des faibles gémissements, jusqu'à être est bloquée par une grille. Celle-ci est en fer solide ; impossible de la traverser. Derrière, il y a une cellule et dans celle-ci : quelqu'un est attaché, poignets et chevilles écartés, juchée sur ce qui ressemble à un instrument de torture dont elle a du mal à comprendre le mécanisme. C'est une femme, entièrement nue. Dans l'obscurité, elle ne distingue pas son visage. Elle essaie de communiquer avec elle mais cette dernière ne répond que par des soupirs plaintifs.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous là ?

La prisonnière essaie de former des phrases, mais sans succès ; elle n'est pas en état de parler. L'appareil auquel elle est attachée bouge légèrement ; aussitôt elle pousse un nouveau cri de douleur. Anaïs est horrifiée. Elle voudrait aider cette malheureuse mais que peut-elle faire ? La grille est solidement verrouillée.

Des bruits de pas se font entendre derrière elle.

Le plus silencieusement possible, elle s'éloigne à la recherche d'un coin pour se cacher. Mais il n'y a partout que des couloirs vides. Elle longe les murs en espérant que l'obscurité suffira à la camoufler, lorsqu'un nouveau bruit attire son attention, répétitif, comme un cliquetis. Accompagné par d'autres gémissements. Elle arrive face à une nouvelle cellule. Dans celle-ci, la prisonnière se tient debout, les bras attachés au-dessus de la tête. Elle est reliée à une machine d'un autre type qui émet un claquement régulier, toutes les deux secondes environ. L'effet semble très douloureux, si on en juge par les gémissements que la victime ne peut s'empêcher de pousser à chaque fois. Anaïs s'approche pour mieux voir. Elle aimerait comprendre. Que se passe-t-il ici exactement ? Quels sont ces machines et à quoi servent-elles ? S'agit-il seulement d'une punition pour celles qui ont fauté ? De simples servantes comme elles, peut-être ? Ça l'étonnerait. Elle pressent qu'il s'agit de bien autre chose. Mais quoi ?

Elle n'a pas le temps d'en apprendre plus : quelqu'un l'attrape par derrière et la tire brutalement à lui. La voilà traînée dans les couloirs par un individu doté d'une force impressionnante. Il la ramène vers la porte translucide et, sans ménagements, l'expulse de l'autre côté. Juste un peu sonnée, Anaïs se relève rapidement. Elle jette un regard à celui qui vient de la brutaliser : c'est un monstre. Il a un visage difforme ; il se tient bossu, avec une musculature surdéveloppée. Il s'adresse à elle en émettant des beuglements incompréhensibles, comme s'il était incapable de parler. Par ces gestes, Anaïs comprend qu'il la prévient de ne plus jamais remettre les pieds ici.

La jeune fille n'en demande pas plus : elle se précipite vers l'escalier, s'estimant bien heureuse de s'en sortir indemne.


*


Que se passe-t-il dans les sous-sols du château d'Antyla ?

Qui sont ces jeunes femmes martyrisées ?

Anaïs va-t-elle finir par tomber amoureuse du comte ou au contraire envisage-t-elle de prévenir son amie pour qu'elle s'enfuient toutes les deux au plus vite de ce lieu maudit ?

Pour le moment, à vrai dire, elle-même n'en sait rien du tout.

Que feriez-vous à sa place ?

Si vous avez des idées, n'hésitez pas à me les communiquer. En utilisant la technique qui me permet de pénétrer dans le monde d'Eles en passant par le monde des rêves, je pourrais alors les lui transmettre pour l'aider à y voir plus clair. Et grâce à vous, qui sait, le cours de son histoire sera peut-être changé !


MornglassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant