NOSTRA / SAGA

45. Papier

Dark Paradise- Lana Del Rey

Lyana
Voiture, 08h27

Je regardais ce bout de papier comme si c'était la dernière chose que j'allais voir dans ma vie. Je sentais mes yeux me piquer face à l'excès d'eau en eux, cet excès qui voulait à tout prix être libéré.

Je sentais mon cœur battre, enfin bondir violemment dans ma poitrine comme si il souhaitait briser mes côtes, déchirer ma peau pour en sortir.

Pour sortir de cet enfer.
Pour que tout s'arrête.

Par instinct je tournais le papier pour regarder s'il n'y avait d'autres informations que m'avait délivré le père d'Alexander dans le dos de ce stupide bout de papier. Je me figeais à nouveau.

Je laissais tomber le bout de papier jusqu'au sol de la voiture, j'avais l'impression de le voir tomber au ralenti, comme si tout était vide.

02/08/24
2 août 2024.
Aujourd'hui.

-Lyana ? Oh gamine qu'est-ce qu'il se passe ?

Voyant mon état de tétanie Alexander se baissait pour ramasser ce que j'avais laissé tomber, il le lit et je le sentais se décomposer, puis il tournait la feuille et ce fut le mot écrit en encre noire de trop.

-J'ai mes capotes ! Dit Luca en entrant dans la voiture.

Il se tut quelques secondes voyant l'ambiance que comportait ce véhicule, cette ambiance si pesante, si macabre.

-Euh Alex pourquoi t'as tellement la mâchoire crispée que t'es à deux doigts de te broyer les molaires ?

J'avais l'impression de quitter mon corps, comme si mon âme refusait de continuer à vivre face à l'existence qu'on lui offrait. Elle voulait juste un peu de répit, elle ne demandait que le minimum mais tout le monde l'empêchait d'atteindre son but.

Comme si c'était trop demandé.
Comme si on voulait la faire souffrir.

Je ne sentais plus rien, la vision que j'avais s'éloignait peu à peu de moi comme si je plongeais dans le néant.

Le néant.

Luca arrachait des mains le mot que tenait Alexander, puis ce fut à son tour de se plonger dans le silence. Un silence morbide dont personne ne pouvait en sortir.

Mais en vérité personne ne voulait en sortir.
Personne ne voulait faire face à cette vérité.
On allait tous mourir.

Tous ?

-ANASTASIA ET HUGO ! Hurlais-je.

Mon cri avait remis en route le cerveau des garçons, comprenant que nous n'avions pas le temps pour agir, c'était maintenant ou jamais.

-On va chercher Anastasia et on se casse. Dit Alexander avec un visage que je n'avais que très peu vu.

Ce visage qui annonçait la mort.

Je pouvais lire en lui comme dans un livre ouvert. Lorsque je ne le connaissais pas encore j'avais l'impression que cet homme était illisible, que ses murs autour de lui empêchaient de voir à travers lui, mais ces murs possédaient de légères brèches. Si l'on se concentrait bien sur elles on pouvait le voir, voir le fond de ses pensés.

La voiture démarrait si vite que l'on se faisait propulser contre nos sièges, mais je ne demandais que ça, la vitesse.

La vitesse pour rattraper le temps qui nous manquait.

Slalomant entre de petites rues l'une après l'autre on finit par arriver sur le parking. J'ouvrais ma portière et Alexander me soulevait comprenant mon impuissance à pouvoir me déplacer rapidement.