NOSTRA / SAGA

43. Vivre

Let Me Down Slowly- Alec Benjamin

Lyana
Q.G, 19h34

On dit souvent qu'on se rend compte de la valeur de quelque chose lorsqu'on le perd. J'y ai cru, toute mon existence j'y ai cru.

Jusqu'à ce que je le rencontre, lui.

Je ne sais comment l'expliquer, mais avec lui j'ai toujours su à quel point il était important pour moi, à quel point il était indispensable à mon bon fonctionnement.

Dès la seconde où je l'ai rencontré j'ai su qu'il allait changer ma vie, après tout la première fois que je l'ai vu il m'avait sauvé dans cette forêt.

Notre histoire serait donc depuis le début une répétition, une boucle parfaite, hier il me sauvait des griffes de mon père, aujourd'hui il me sauvait des griffes de son père.

Si je devais résumer notre relation en un mot, une parole, un ressenti, je n'avais aucune hésitation sur lequel il serait.

Persévérance.

Notre chemin a été plus que compliqué, nos sentiments avaient toujours été bien trop forts. Hier il voulait me tuer, aujourd'hui il serait prêt à tout pour me sauver.

Jusqu'à sacrifier sa propre vie.

Nous idolâtrions l'amour comme quelque chose de magnifique, quelque chose qui changerait toute notre existence.

C'était vrai, la pure et indéniable vérité, mais chacun oubliait de préciser que cet amour pouvait être bien plus que destructeur.

Cela pouvait te donner l'impression de mourir, petit à petit, comme si ton cœur s'arrachait de ta poitrine, comme si tes poumons implosaient, comme si ton cerveau préférait s'arrêter que de se confronter à la souffrance que cet amour pouvait causer.

C'était exactement ce que je vivais en ce moment même. J'avais l'impression que le monde s'était arrêté de tourner, comme si la Terre s'était divisée en deux immenses parties, et que moi, uniquement moi étais tombée, avais sauté droit dans cette brèche.

Cette brèche qui menait à l'enfer.

Ma vie qui avait semblé parfaite m'avait dupé. À quoi m'attendais-je ? Elle avait été si dure avec moi à la seconde même où j'étais née comment avais-je pu croire qu'elle finirait bien ?

Oui physiologiquement ma vie n'était pas encore finie, mon cœur battait encore mais c'était tout comme. J'avais senti quelque chose se briser en moi, quelque chose quitter mon corps.

J'avais perdu une partie de moi.

Mais quelque chose l'avait remplacé immédiatement.

La souffrance.

J'avais aimé cette souffrance, plus que tout au monde. Je l'accueillais avec un plaisir incomparable, je voulais la ressentir n'être plus qu'elle, qu'elle prenne possession de moi, qu'elle me guide dans mon nouveau quotidien.

Un corps sans vie, un corps sans âme voilà ce que j'étais devenue lorsqu'Alexander Nostra avait fait exploser ce bâtiment, celui dans lequel il se trouvait.

Pour moi.

Pouvais-je le blâmer pour sa décision ? Non. Je n'étais pas en position de lui reprocher ses choix. Car oui, j'aurais été capable d'exactement la même chose. Me sacrifier pour sa vie, arrêter mon cœur pour que le sien puisse continuer à battre, réduire mes poumons en cendres pour que les siens se contractent et se décontractent au rythme de sa respiration.

Pourquoi Alexander ?

Pourquoi as-tu cru que j'allais m'en sortir ? Pourquoi as-tu cru que j'allais surmonter ta mort ?
Voyais-tu quelque chose en moi que je ne voyais pas ?
Te mentais-tu à toi même sur ma résistance à la souffrance ?