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            Maxime avait vraiment hésité avant de décrocher

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            Maxime avait vraiment hésité avant de décrocher. Mais Honorine l'avait convaincu en quelques mots : « Qu'est-ce que tu attends ? ». Alors, il avait appuyé sur le bouton vert et porté le téléphone à son oreille. Et il l'avait entendu, cette voix qui lui manquait bien plus que ce qu'il ne pourrait jamais exprimer à voix haute.

            Honorine avait quitté la pièce pour laisser les deux hommes discuter. Mais l'appel avait été de courte durée. À peine avait-il entendu cette voix qu'il se rappela pourquoi il était en colère contre lui. Il s'était donc contenté de donner l'adresse du cimetière où se trouvaient les corps de Basile et de sa famille. Comme si cet appel avait le même objectif que celui de la vieille. Comme s'il ne l'avait pas appelé dans un moment de faiblesse. Comme s'ils n'étaient que des collègues, ce qu'ils étaient redevenus la dernière fois qu'ils s'étaient parlés.

            Il lui avait donné l'adresse en lui disant qu'il y serait le lendemain, puis il avait raccroché. Il avait ensuite fixé longuement son téléphone en se disant qu'il avait peut-être fait la plus grosse bourde de sa journée, si ce n'est plus.

            Quand Honorine revint et qu'il lui annonça ce qu'il venait de faire, elle lui jeta un regard affligé avant de secouer la tête. Elle avait tout de même gardé le silence, bien que ce dernier parlât plus que bien des mots, et avait proposé à Maxime de rester manger chez elle ce soir-là.

            Le brun avait accepté sans problème. Ils avaient passé le reste de leur temps avant le dîner à regarder des photos d'Honorine plus jeune. Sur la plupart d'entre elles, on pouvait voir Lilou à ses côtés, et à chaque fois, Maxime voyait la tristesse dans les yeux bleus de la vieille femme.

            Après deux heures, il finit par oser lui demander comment elle avait vécu leur rupture.

            « Je ne sais pas si on peut vraiment vivre une rupture avec une personne que l'on aime sincèrement. Même quand les flammes entre vous se sont éteintes. Je pense que j'aurais pu continuer de vivre avec elle, même sans l'aimer, par simple habitude de sa présence. Mais Lilou n'a jamais été le genre de femme avec qui on peut faire ça. Il n'y a pas de rancœur entre nous. Je suis heureuse qu'elle le soit et que notre histoire ait été si belle. Les amours comme le nôtre sont inestimables et si tu le vis un jour, profite-en jusqu'au bout.

            — On finit toujours par arrêter d'aimer ?

            — Le bout peut être la mort. Aucun amour ne peut repousser la mort. On peut continuer d'aimer quelqu'un qui est mort, mais quelqu'un de mort ne peut pas continuer à nous aimer chaque jour qui passe. Son amour est figé dans ce qu'il ressentait avant de mourir. »

            Ils avaient eu de nombreuses autres conversations durant le reste de la soirée et du repas. Le soir venu, Maxime regretta de partir. Demain, il reprendrait son vélo pour se rendre à Pont-Aven. Il en aurait pour au moins trois heures vingt. Autant dire qu'il était certain de mettre au minimum cinq heures en prenant des pauses.

            Le soir, il prit le temps de se doucher et de ranger toutes ses affaires avec soin. Il fallait qu'il optimise le poids de chaque sac pour quand il devrait les porter de manière chaotique sur lui. Une fois prêt à se coucher, il branchait son téléphone et se laissa envelopper par les bras de Morphée.

            Le lendemain, il se leva à sept heures et mangea le petit-déjeuner le plus copieux possible avant de rendre les clés de sa chambre. Il partit ensuite, le ventre plein et l'esprit plus tourmenté par le fait de revoir bientôt Sidjil que par le fait qu'il allait se diriger vers la tombe d'une famille tuée d'une façon atroce.

            Quand il commença son voyage en vélo, il se dit que tout ceci n'était en fait pas si terrible. Après tout, pédaler n'était pas le plus grand effort non plus. Il changea d'avis après une heure de vélo. Il commençait déjà à avoir mal aux jambes et s'arrêta donc au premier lopin de terre qu'il vit.

            De plus, les deux sacs qu'il accrochait d'une manière absolument pas conforme au guidon de son vélo ralentissaient fortement sa course. Il but beaucoup d'eau pendant sa pause et s'autorisa à penser à Sidjil.

            Il allait bientôt le revoir. Et vu leur dernier, et seul d'ailleurs, échange téléphonique, leurs retrouvailles risquaient d'être quelque peu froides. Pas que Maxime ait fait quoi que ce soit pour arranger cela.

            Une fois plus reposé, le brun reprit sa route. Il lui restait encore plus de deux heures de trajet et il aimerait ne pas arriver à la nuit tombée. Il espérait arriver pour le midi. Il s'arrêterait avant dans un supermarché pour s'acheter un sandwich et le mangerait en attendant Sidjil.

            Il ne lui avait pas dit à quelle heure il serait au cimetière et il ignorait qui de eux deux arriverait en premier, même s'il supposait que ce serait lui, étant plus proche.

            La prochaine pause qu'il prit fut pour s'acheter de quoi manger. Il en profita pour se prendre un paquet de gâteaux qu'il mangerait avant de reprendre la route.

            Il ne lui restait plus qu'une dernière ligne droite, et il avait mal partout.

            Quand la cloche de l'église du village de Pont-Aven sonna midi et demie, Maxime posa son pied, épuisé, sur le parking en face du cimetière. Il y était enfin.

            Il accrocha rapidement son vélo près du cimetière avant d'aller s'asseoir sur un banc pour une pause déjeuner plus que méritée. Il avait déjà mal aux jambes et il se doutait que les crampes du lendemain seraient douloureuses.

            Une fois son sandwich englouti, le brun fit l'effort de se relever pour entrer dans le cimetière. Il voulait voir la tombe de Basile. Il voulait la voir de ses propres yeux pour qu'elle confirme qu'il ne courait pas après un mirage. Que tout ceci était bien réel. Qu'il ne rêvait pas.

            Il marcha quelques minutes entre les tombes, regardant ici et là les noms et les décorations. À chaque fois, il calculait les dates de naissance et de décès pour savoir l'âge des gens, ou il se surprenait à voir des gens morts bien avant sa propre naissance.

            Il tiqua quand il vit une tombe avec son propre nom de famille, mais ce dernier était plutôt commun. Il observa tout de même avec tristesse la sépulture, vierge de toute décoration. Se sentant presque obligé, par l'homonyme de leur nom, le brun partit cueillir une fleur en dehors du cimetière puis revint la déposer doucement sur la tombe.

            Il reprit ensuite sa route pour enfin trouver la tombe de Basile et sa famille. Cette dernière se trouvait en fait en face de l'entrée du cimetière, sur l'allée que Maxime n'avait pas empruntée, étant directement parti sur la gauche.

            Il s'arrêta devant, n'en croyant pas ses yeux. Alors même qu'il la cherchait, il n'osa pas la toucher pour voir si elle était réelle, par respect pour les morts. Il resta debout et immobile plusieurs minutes, ne sachant que faire, avant qu'un bruit de crissement de pas sur le gravier ne le fasse tourner la tête.

            Et alors, il le vit. Sidjil. Il était là. En face de lui. En chair et en os.

L'affaire [Djilsime]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant