« Oui. »
Le cœur de Sidjil rata un battement, et il ne put empêcher un sourire de flotter sur ses lèvres. En face de lui, Maxime rougissait de plus en plus, une bouteille à moitié vide à la main. Sidjil, quant à lui, avait déjà fini la sienne. Dans un geste aussi irréfléchi que naturel, il attrapa celle de Maxime et en prit une gorgée.
Alors qu'il buvait, il sentait le regard du Parisien sur ses lèvres. Il avait tellement envie de l'embrasser. Il rendit sa bière à Maxime et reprit les doux mouvements de sa main. Ils étaient si bien, là. Sidjil aurait voulu que ce moment ne s'arrête jamais. Qu'ils puissent tous les deux se figer ainsi. Assis dans une voiture, éclairés par la lune, comme seuls au monde sur ce parking, sa main sur la cuisse de celui qu'il aimait, l'alcool dans leur sang, les faisant envoyer valser le monde et ses problèmes.
Pourtant... une petite voix dans sa tête ne pouvait s'empêcher de lui souffler que tout ceci ne serait que de courte durée. Elle lui rappelait sans cesse que Maxime était comme ça aussi, avant, quand ils s'embrassaient. Elle lui chuchotait au creux de l'oreille que l'alcool le rendait naïf et que, dès demain, le Parisien le rejetterait de nouveau.
Parce que Maxime avait raison. Sans Sidjil, il ne serait qu'un mec hétéro lambda. Le genre qui finit par trouver une jolie et gentille fille, avec qui il se marie, puis il a des enfants. Parce que c'est ce qu'est Maxime. Un putain de mec hétéro lambda qui, aussi féministe soit-il, reproduira le schéma patriarcal de la vie. Parce que c'est ce qui est bien vu, parce que c'est la norme. Ce à quoi tout homme hétéro lambda doit aspirer.
Et Sidjil... Sidjil n'est pas ça. Il ne veut pas ça.
Les mots de sa mère résonnaient un instant en lui. Il n'avait jamais vraiment su pourquoi sa mère vouait une telle haine aux Ulipzert. Malgré tout, il savait qu'elle devait avoir ses raisons, et si tous les membres de ce groupe étaient aussi changeants que le brun en face de lui, alors il pouvait deviner une partie du problème.
« Sid ? »
La voix de Maxime le ramena sur terre. Il ne s'était pas rendu compte qu'il était parti si loin.
« Oui ?
— Rien, tu avais l'air perdu, répondit Maxime d'un ton hésitant.
— Désolé, je me suis perdu dans mes pensées.
— D'accord... »
Un petit silence s'installa, alors que Sidjil essayait de se souvenir sur quoi portait leur conversation précédente.
Merde.
Maxime venait de lui avouer qu'il l'attirait.
« Et, hum... tu le sais depuis longtemps ? tenta-t-il pour relancer la conversation.
— De quoi ?
— Que je t'attire.
— Oh... »
Les joues du Parisien prirent une teinte rouge alors qu'il laissait passer un silence avant de répondre.
« Disons que mon voyage en Bretagne a été l'occasion d'y réfléchir sérieusement.
— Donc avant, au début, je ne t'attirais pas ?
— Ce n'est pas ce que j'ai dit, marmonna Maxime en tournant la tête.
— Donc, continua Sidjil en attrapant doucement le menton du brun pour le forcer à le regarder, je t'attire depuis le début ?
— Peut-être... » chuchota le plus petit, ses yeux fixés sur les lèvres de Sidjil.
Ils voulaient s'embrasser. Ils le voulaient désespérément. Comme quelqu'un a besoin de boire après trois jours dans le désert. Ils avaient besoin de se toucher, comme des aimants inévitablement attirés l'un par l'autre. Ils étaient restés trop longtemps loin l'un de l'autre, sans nouvelles, sans se comprendre, perdus dans un brouillard qu'ils avaient eux-mêmes créé par un jeu d'égo stupide.
Mais... ils ne pouvaient pas se précipiter l'un sur l'autre comme si de rien n'était. Comme s'il n'y avait pas encore des choses à dire, des vérités à révéler ou à taire à jamais. Un tournant devait s'opérer ce soir, au risque de ne jamais arriver.
« Sid... J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps... »
Les mots de Maxime étaient presque un murmure, à peine audibles. Il les avait laissés s'échapper comme un secret trop intime, ou comme le plus profond des aveux, ceux que l'on ne fait qu'à une seule personne en qui l'on place toute sa confiance.
Sidjil ignorait s'il était digne de recevoir ces mots.
« J'ai parlé avec beaucoup de gens aussi... C'était pas toujours facile, tu sais. De tout remettre en question, d'essayer de reconstruire une image de soi après que l'ancienne soit tombée en ruines. Puis voir l'image que les autres, ceux qui ne te connaissent pas, ont de toi. Apprendre à connaître l'image que tu renvoies, loin de Paris. Ensuite, discuter. Confronter des visions du monde, des visions de la vie, des visions de l'amour. Et j'ai fait tout ça. Je l'ai fait pour moi, parce que c'était... plus qu'important, c'était nécessaire. Mais, je l'ai aussi fait pour toi. Parce que je sais que je t'ai fait du mal. Je sais qu'on a du mal à se comprendre. Alors... je voulais te montrer, peut-être te prouver, que j'étais capable d'essayer de te comprendre. Et de me comprendre aussi, pour ne plus te blesser. Pour que ça marche. Ce truc qu'on a entre nous...
— Max...
— Non, non, laisse-moi finir. Je sais que tu sais très bien où je veux en venir. Mais c'est important pour moi de le dire. D'enfin mettre des mots sur ce que je ressens, ce que je suis. Même si je n'ai pas fini d'apprendre à me connaître, parce que j'ai été stupide de croire qu'on pouvait un jour se connaître totalement. Enfin, je parle trop, je sais. Mais quand je stresse, je parle trop, je ne sais pas si tu as remarqué. Soit je parle trop, soit je me ferme et je m'énerve. »
Maxime marqua une petite pause. Il ferma les yeux, souffla, puis les rouvrit.
« Je ne sais pas si je le serai toujours, mais... pour l'instant, avec toi, pour toi, je suis gay. »
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L'affaire [Djilsime]
FanficC'était terrifiant de se dire qu'il était prêt à le suivre jusqu'au bout du monde. Inconcevable même. Cela relevait des pensées intrusives, folles, idiotes, qui jaillissaient dans son esprit de plus en plus souvent. L'affaire, il devait se concentre...