CHAPITRE 4 - Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance

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J'ouvris les yeux lentement, et sentis instantanément une barre en fer au milieu du front.

J'avais passé une nuit épouvantable, oscillant entre mon lit et la salle de bain afin de boire une gorgée d'eau. Des sueurs froides avaient envahi mon corps pendant des heures, m'empêchant de fermer l'œil.

J'avais un très mauvais pressentiment sur cette journée. Mais malgré mes réticences et les dizaines d'excuses que j'aurais pu trouver pour ne pas me rendre à mon premier jour de travail, je devais puiser dans toutes les forces qui se trouvaient en moi afin de me lever, et entamer cette première journée qui allait être décisive pour les mois à venir.

Va pas falloir que tu foires, ma vieille !

Va falloir gérer !

Je me redressai dans mon lit, et observai la lumière à travers le velux. Les rayons du soleil transperçaient le ciel comme des épées affutées, et la lumière céleste éclairait la pièce dans une douce mélancolie.

L'astre de la nuit avait laissé place à la beauté du jour sans que je m'en aperçusse.

La lumière de l'astre du jour perçait les mailles des rideaux fins que j'avais installés à ma venue, laissant ainsi la marque d'une ligne horizontale sur mon immense commode en bois, éclaircissant la totalité de la pièce.

Je ne percevais que les sons alentours : le tic-tac de l'aiguille de l'horloge de la cuisine qui retentissait jusque dans ma chambre et qui laissait discerner un cliquetis régulier, le bourdonnement du congélateur au rez-de-chaussée, le doux chant des oiseaux à l'extérieur, le fracas de la bise venant s'abattre sur les murs de l'immeuble...

À l'horizon, mon velux me permettait d'admirer les montagnes encore enneigées, elles qui donnaient toujours l'impression de dominer le monde, et qui dressaient fièrement leur ombre sur lui.

En face de la fenêtre se trouvait mon armoire en bois vieilli, dans laquelle je rangeais mes nombreux vêtements, et quelques-uns de mes cours.

Le sol était fait de linot blanc parsemé de petites tâches de différentes couleurs pâles qui lui donnaient un air de vieux sol des années soixante-dix.

Le plafond, quant à lui, avait été peint en blanc, un plafond ordinaire, sur lequel j'avais fixé quelques étoiles phosphorescentes, qui me donnaient l'impression de flotter dans les airs, au coucher du soleil, comme si j'étais devenue un oiseau, libre d'aller où bon lui semble, et de parcourir le monde et ses sept merveilles. Ce panorama me rappela soudain mon enfance...

Lorsque j'étais enfant, à l'école, les maîtresses nous forçaient à faire une petite sieste tous les après-midis, dans une immense salle, dans laquelle se trouvaient une multitude de petits lits dans lesquels nous pouvions nous relaxer.

Bien sûr, je ne dormais jamais : je n'allais évidemment pas me plier aux exigences de ces mesdames et tranquillement m'allonger comme toute cette bande de moutons de Panurge !

D'ailleurs, je n'étais parvenue à m'endormir qu'une seule et unique fois à l'école, car j'étais malade et avais pris de la fièvre dans la journée.

La seule et UNIQUE fois.

La plupart du temps, je restais auprès des maîtresses, dans un coin de la pièce, sur une petite chaise, à attendre que mes camarades se réveillent, en les scrutant chacun leur tour. Leurs têtes, aplaties contre les oreillers, amorphes, ressemblaient à de vieux mollusques dont chaque extrémité semblait dégouliner comme du mucus.

Charmante image, mais c'était bien ce que je voyais en eux : des mollusques. Des créatures gluantes et lymphatiques dont la seule vue provoquait des haut-le-cœur.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant