CHAPITRE 24 - Mon ange

166 12 1
                                    

Anéantie.

C'était l'état dans lequel je me trouvais. Affalée sur mon canapé, emmitouflée dans un grand plaid grisâtre. Mal coiffée, mal habillée, pas lavée. Mon haleine de chacal témoignait de ces quelques jours de vie d'ermite qu'on m'avait accordés.

Nous étions jeudi.

J'avais encore quelques jours devant moi avant de devoir reprendre les cours et surtout assister à ce fichu conseil de discipline. J'avais été convoquée en tant que témoin, mais également en tant que professeure de la classe de Seconde 2.

Yanis allait être représenté par son père, qui était un grand gaillard un peu simplet que j'avais déjà croisé en réunion parents-professeurs.

Et malheureusement, Alejandro était également convoqué, en tant que témoin et accusé, en présence de sa mère – une femme charmante, m'avait-on dit. Rien n'aurait pu l'éviter. J'avais pourtant tout tenté : des mails, des courriels manuscrits, des appels...

Mais le jeune homme était accusé de violence et de menaces envers un camarade, et apparemment, rien ne pouvait excuser ce comportement.

J'en voulais à la justice. J'en voulais à Monsieur Giordano. Et malgré moi, j'en voulais également à Alejandro d'avoir voulu me défendre, car s'il ne l'avait pas fait, il ne se serait pas retrouvé dans cette situation.

Et pourtant... Je repensais encore à cette étreinte. Quelle enseignante pouvait se vanter d'avoir eu dans ses bras un de ses élèves ? Aucune.

Aucune, sauf moi.

Petite veinarde !

Je gardais le souvenir de la chaleur de ses bras autour de mon torse, et de la puissance de ses mains qui avaient pourtant fait preuve d'une douceur poignante pour créer un cocon autour de la pauvre larve que j'étais. Comment des bras sur une peau encore vêtue avaient-ils pu déclencher autant de flammes dans mon ventre ?

Je me levai enfin de mon sofa pour me faire cuire quelques coquillettes. Ma mère ne m'avait jamais appris à cuisiner : les seuls plats que j'étais capable de préparer se résumaient à des pâtes, des pâtes, et... Des pâtes. De toute manière, je n'avais pas très faim depuis ce début de semaine calme.

Je n'avais vu personne.

J'étais restée cloitrée dans mon appartement et n'avais souhaité parler à personne.

Qu'aurais-je bien pu dire ?

Qu'un de mes élèves avaient voulu me frapper et qu'un autre m'avait prise dans ses bras ?

Que j'avais aimé ça ?

Que cette étreinte ne me sortait plus de la caboche ?

Un goût de bile remonta dans ma gorge rien qu'à cette pensée. La tension ovarienne revint d'un coup. Je me dégoûtais.

DING DONG

DING DONG

DING DONG

— Oh putain, non... Non, non, et non... Râlai-je.

Qui pouvait bien avoir envie de me voir à cette heure-ci ? Ah, non... Il était quinze heures. J'étais vraiment tombé bas – encore plus bas que Thésée.

Je me dirigeai vers la porte d'entrée et regardai par le judas : c'était Olivia. Avec un grand sourire.

— Qu'est-ce que tu veux ? Lui lançai-je à travers la lourde porte en bois.

— Laisse-moi entrer, connasse ! Après on verra ! M'agressa-t-elle.

— Non.

— Si. Sinon j'enfonce la porte.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant