Nous étions le jeudi 6 avril.
Un jeudi comme les autres ? Non.
Un jeudi effroyablement différent.
J'avais une mission. Je me l'étais fixée dès le matin, tandis que je mettais du fard à paupières sur mes yeux fatigués : éviter Alejandro à tout prix.
Les évènements de la veille m'avaient privée de sommeil. Ce matin-là, je décidai que je ne relâcherais pas mon objectif de la journée : l'évitement le plus total.
Un frisson remonta dans mon dos. Le souvenir de la scène de la douche me revint en tête.
Ma pauvre Julia.
Tu tombes si bas...
Je faisais comme si tout allait bien. Mais à peine arrivée sur mon lieu de travail, je passai la main sur mes cernes comme si je pouvais les effacer.
Il faut que je l'empêche de m'approcher, sinon ça va virer au désastre.
Je sortis du parking à toute vitesse, pressée par le temps. La pluie battait. Mon sac de cours sous le bras, je contournai les grilles de l'établissement pour rejoindre le portail d'entrée. Mes souliers frappaient le sol et inondaient le bas de mon jean.
Plusieurs élèves étaient déjà présents devant l'entrée du lycée : ceux qui ne prenaient pas le bus avaient tendance à arriver en avance. L'ondée qui faisait rage dehors trempait peu à peu le tissu de mes vêtements et mouillait mes cheveux.
Les différents adolescents tentaient de se réfugier sous les arrêts de bus. Certains s'amusaient à piétiner dans les flaques d'eau formées par les routes délabrées qui entouraient l'établissement.
— Bonjour, Madame, me saluèrent certains en chœur.
— Bonjour à tous.
Reste calme.
Ça ne sert à rien de s'emballer.
Je sortis le badge d'entrée de la poche de mon blouson, et entrai. Les murs du bâtiment semblaient beaucoup plus hauts que d'ordinaire, comme s'ils souhaitaient écraser le petit être insignifiant que j'étais. Plus les jours passaient, plus je sentais mon cœur serré comme dans un étau.
Je passai la porte coulissante du hall d'entrée et me retrouvai au milieu des casiers. Je ne m'arrêtai pas pour autant.
Tout à coup, la sonnerie retentit : elle indiquait le début des cours de la journée, ce qui voulait dire que j'avais encore une heure devant moi.
Bon...
J'ai le temps d'aller imprimer mes cours et de boire un café.
Je montai les escaliers, me faisant discrète et évitant les centaines d'élèves qui montaient en courant, de peur d'être en retard. Quelques emmanchés me bousculèrent pourtant, et s'excusèrent aussitôt.
Dans cette routine prévisible, je me sentais comme étrangère. Étrangère à mon métier, étrangère à ma vie.
Une vraie Meursault.
Tandis que je montais les marches les unes après les autres - et que chaque pas semblait m'enfoncer un peu plus dans mon désarroi - j'ondulais à travers les différents groupes d'adolescents avec mon sac presque plus gros que moi. Je passai alors devant la salle des professeurs et aperçus Nicolas de dos, qui buvait sans doute un thé dans sa grande tasse blanche.
Non...
Pas aujourd'hui.
Après ce qu'il s'est passé, j'en ai plus la force.
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OJOS OSCUROS Noir Désir
Storie d'amoreHISTOIRE CORRIGÉE!!! "Le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder." Julia Meyer, fraîchement diplômée, débarque dans un établissement de banlieue pour y enseigner le français. Fuyant une vie de famille envahissante, elle décide de...