L'eau bouillante perlait sur mon visage, allongeant mes cheveux, qui tombaient en cascade sur mes épaules dénudées. La buée avait envahi les lieux.
Les yeux clos sous la pluie d'eau douce, je profitais de cet instant privilégié que m'offrait la vie. La chaleur des flots ruisselant sur mon corps détendait mes muscles bandés, et l'odeur du savon de Marseille embaumait la pièce comme si je me trouvais dans les galeries marchandes du sud de la France.
Le bruit de l'eau crépitait sur les quatre murs de la douche, venant doucement mourir sur les parois dans une dernière étreinte frisquette.
Flic Floc.
Néanmoins, cette douce musique naturelle qui fredonnait dans la modeste salle de bain ne suffisait pas à calmer mes nerfs.
Depuis ma plus tendre enfance, j'avais toujours été sujette à des angoisses, cette sensation bizarre qui serrait ma gorge et m'empêchait de déglutir. On me parlait d'adrénaline, mais non. Elle me clouait au sol.
Et cette manifestation infirmative de mon âme était loin de s'être arrangée avec le temps, notamment depuis que j'avais terminé mes études en juin pour entrer dans le monde du travail.
Nous étions le 30 août.
J'allais commencer l'année en responsabilité, et ce à peine quarante-huit heures plus tard, après avoir subi la journée de pré-rentrée traditionnelle.
L'on disait que cette journée de rencontre entre les membres du personnel était une vraie torture, jonchée de regards incertains et de tons condescendants.
Qu'est-ce que j'ai hâte...
C'était néanmoins loin d'être le pire. L'idée de me retrouver face à une trentaine d'adolescents bouillonnants d'hormones me fichait la trouille.
Qu'est-ce qui m'était passé par la tête le jour où j'avais décidé de devenir professeur, moi qui étais d'ordinaire si timide et si introvertie ?
L'eau était mon seul Salut.
Les infimes gouttelettes projetées par la pomme de douche ruisselaient de mon crâne fumant jusque sur mes chevilles, pour enfin se déverser dans le conduit.
Les émotions traversaient ainsi mon être, pour en être expulsées au bout de quelques millièmes de secondes, comme si je me lavais de tous mes péchés.
Flic floc.
Le tintamarre des larmes de cette prison humide s'accordait parfaitement au rythme des battements de mon cœur.
Lorsque, enfin, toute source d'angoisse fut écartée, et après avoir utilisé les trois quarts du ballon d'eau chaude, j'attrapai une serviette de bain posée au préalable sur les toilettes, l'enroulai autour de ma poitrine, puis sortis de la douche en claquant des dents, la peau frissonnante et les poils hirsutes.
La fin des vacances d'été était enfin là.
La fraîcheur commençait à s'installer en soirée, notamment dans ce vieil immeuble mal isolé dans lequel j'avais emménagé quelques années auparavant pour mes études. L'été chaud prenait fin, ainsi que les floraisons et la clarté du monde.
Après avoir retiré la buée du grand miroir surplombant la pièce en l'essuyant de ma paume, j'admirais mon reflet : ma peau blanche comme du nacre était encore plus pâle que d'habitude, et des cernes sombres entouraient mes yeux, bleus comme le ciel.
Comment en étais-je arrivée là ?
Je n'avais que vingt-cinq ans, et je ressemblais déjà à une vieille femme à chats aigrie de cinquante.
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OJOS OSCUROS Noir Désir
RomansaHISTOIRE CORRIGÉE!!! "Le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder." Julia Meyer, fraîchement diplômée, débarque dans un établissement de banlieue pour y enseigner le français. Fuyant une vie de famille envahissante, elle décide de...