CHAPITRE 51 - Braises détonantes

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Une heure plus tard, je me retrouvais devant la personne que j'avais le moins envie de voir en ce monde : mon cher proviseur.

Comme au bon vieux temps.

Nous étions assis là, dans son bureau. J'étais installée sur un fauteuil gris anthracite, sur la gauche, juste en face du bureau du pervers. À ma droite se trouvait Alejandro, le dos droit sur l'autre fauteuil de couleur rouge cerise. Il fixait un point devant lui. Il semblait emprisonné dans son esprit.

Quant à moi, je le fixai sans relâche, me demandant ce qui avait pu le rendre si violent. Une violence pareille n'était presque plus humaine. Et je n'expliquais pas ce comportement extrême qui mettait en danger les gens qui gravitaient autour de lui. Et le pire dans tout cela, c'était qu'il se mettait lui-même en danger.

Oh...

Alejandro...

Comment t'en es arrivé là...

Soudain, le claquement de la porte d'entrée de la pièce interrompit mes pensées. Monsieur Giordano nous rejoint et s'installa sur son siège, en face de nous, les bras croisés.

— Bonjour Madame Meyer. Bonjour Alejandro.

— Bonjour... Répétai-je calmement, tandis qu'Alejandro gardait les yeux rivés dans le vide intersidéral.

Alejandro...

Fais au moins bonne figure.

— Bon. Vous savez bien sûr pourquoi je vous convoque tous les deux, n'est-ce pas ? Me demanda-t-il.

— Oui, Monsieur Giordano...

Il ne sait pas.

C'est impossible.

Calme-toi.

Le vieux goujat portait une chemise à fleurs ce jour-là. Le summum du mauvais goût. À ses pieds, de petites chaussures de costume bleutées trop vieilles pour être potables ornaient ses grands pieds.

Relève les yeux, cruche !

Je relevai le regard vers son visage mal rasé. Il semblait fortement contrarié, et il y avait de quoi. Pour une fois, je comprenais sa réaction.

— Bon. Allons droit au but, continua-t-il en se tournant vers Alejandro.

Ce dernier releva les yeux et lui lança des éclairs. Et en même temps, son visage était si fermé que j'avais l'impression qu'il avait verrouillé la porte vers ses sentiments. J'avais à côté de moi un jeune homme au cœur de pierre.

— Alejandro... Continua notre proviseur. Ton comportement n'est pas acceptable. Tu comprends ce que je dis ?

— Si, cracha-t-il.

— Vous vous rendez bien compte que ça devient grave ?! Me provoqua le vieil homme.

— Oui, Monsieur. Mais... Cet élève m'a manqué de respect à plusieurs reprises cette année. Alejandro n'a pas mauvais fond. Il cherche juste à défendre mon honneur.

— Votre honneur...

Il se mit à rire dans sa barbe. Une réaction offensante.

Connard.

— Monsieur Giordano, me permis-je de l'interrompre. Je... Si vous permettez, j'aimerais vous dire pourquoi Alejandro a eu une réaction si démesurée...

— Ne croyez pas que cela va l'excuser. Mais... Je vais vous accorder le loisir de vous écouter, m'incita-t-il en posant les mains à plat en face de lui, sur le bois froid.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant