CHAPITRE 36 - Révélations

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Nicolas avait dormi à la maison.

Le lendemain matin, nous nous levâmes aux alentours de sept heures, nous déjeunâmes et nous rendîmes au lycée ensemble après un saut chez lui afin qu'il se rafraichisse et qu'il récupère ses affaires. Le trajet se déroula dans le silence. Nous n'avions que peu dormi. Ouvrir la bouche était douloureux.

— Il me semble qu'on a un petit pot de départ aujourd'hui, non ?

— J'avais complètement oublié... C'est Madame Ferritine qui part, c'est ça ? L'interrogeai-je.

— Oui. Mais j'dois passer déposer mon courrier... C'est urgent. J'te rejoins dans cinq minutes ? Me demanda-t-il en s'arrêtant devant l'entrée de l'établissement.

— Tu vas me laisser seule avec tous nos collègues ?!

— Juste cinq minutes. Promis.

Cinq minutes, ou cinq minutes marseillaises ?

Je lui lançai un regard haineux, auquel il répliqua par un sourire rassurant.

Il déposa un baiser sur mon front, puis partit. Quant à moi, j'entrai dans l'établissement et montai les escaliers pour rejoindre la salle des professeurs. Je n'avais aucune envie de m'y rendre, mais je devais bien me conduire.

T'es pas une connasse tous les jours, Julia...

Il y avait plusieurs mois de cela, j'avais eu l'idée de démissionner. Avant qu'Alejandro ne débarque, évidemment. Je n'avais donc pas spécialement prévu de me lier d'amitié avec mes collègues. Or, tout avait changé : je devais faire bonne impression, afin qu'on me laisse une bonne appréciation pour mes prochaines mutations.

Alors j'entrai, et pris le temps de saluer toutes les personnes présentes - et elles étaient nombreuses. Je ne négligeai aucune tête : je m'approchai de chacune d'entre elles, et déposai un baiser sur chacune de leurs joues.

Parfois, je devais subir la souffrance ultime de sentir leur bave claquer contre ma peau, mais je pouvais m'habituer à tout. Et, une fois que ce supplice fut terminé, je me rendis vers la table, là où se trouvaient les croissants et les pains en chocolat. Je choisis un croissant, puis me servis un jus d'orange. Celui-ci était d'une acidité inétiquetable.

Baaaaaaaaah !

— Julia ! M'interrompit une voix provenant de derrière.

Je me retournai et aperçus mon amie Safiya. J'étais ravie de la voir.

— Oh, ma Safi' ! Comment vas-tu ? Lui demandai-je en la serrant fort dans mes bras.

— Ça va, ça va... Et toi, ma belle ?

— Super ! Tu vois, on est là.

— Ouais... Heureusement, Monsieur Macho n'arrivera pas tout de suite !

Je savais bien de qui elle parlait : le grand, que disais-je, l'illustre Monsieur Giordano Antoine, Vice-Président du Patriarcat.

— Tant mieux, j'avais aucune envie d'le voir, celui-là ! Avoua-t-elle.

Je tournai les talons en direction du reste de la foule - oui, trente profs qui parlaient en même temps, c'était une foule. Je soupirai.

— Oh, ma chérie, j'vais passer voir une collègue, on se retrouve plus tard ? Me lança Safiya.

— Bien sûr, à tout de suite.

Je restai plantée là, dans un coin de la pièce, à écouter les différentes conversations qui s'offraient à moi. Je savais maintenant que Monsieur Goncourt avait deux chats et six lapins, que Madame Pudoy sortait depuis quelques mois avec un des profs de sport, et que la secrétaire avait des hémorroïdes.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant