CHAPITRE 44 - Baiser volé

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Le lendemain, je devais - hélas - assurer mon cours particulier. Et j'avais un objectif précis. J'avais assez eu le temps d'y réfléchir, pendant mes douze heures d'insomnie.

Mais avant cela, j'avais dû enchaîner quatre heures de cours, qui furent éreintantes. Nous approchions peu à peu de la fin de l'année : les élèves étaient surexcités et ne me laissaient pas une minute de répit.

Et c'est le printemps...

À cette époque de l'année, les jeunes hommes bourgeonnaient et ne pensaient qu'à faire l'amour - ou devais-je plutôt dire "baiser". Quant aux jeunes filles, elles exposaient leur corps à coup de tissus fins et transparents, et de jupes trop courtes pour paraître décentes.

Tout cela n'arrangeait rien à l'atmosphère désagréable du mois d'avril.

Les dernières vacances étaient bientôt là : j'allais pouvoir me ressourcer, me sortir la tête des cours et des vicissitudes de ma vie de prof qui envahissaient mon quotidien et me plongeaient dans un état de torpeur accablant.

Quoi qu'il en fût, l'heure fatidique était arrivée trop vite. Je trouvais souvent des excuses pour ne pas m'y rendre, or ce jour-là, quelque chose me disait que je devais m'y rendre sans broncher. Peut-être allais-je trouver le moyen de me débarrasser de mes démons ? Peut-être Alejandro allait-il se rendre à l'évident accepter mon refus d'obtempérer ?

Qui sait...

Alors une fois que la sonnerie retentit dans l'établissement, j'accueillis l'adolescent en chaleur, en déballant mes affaires.

— Bonjour, lui envoyai-je sèchement.

Il faut qu'il comprenne.

À tout prix.

Aujourd'hui.

— Holà, me répondit-il sur le même ton, en utilisant une voix toujours plus grave et en affichant une mine gracieuse.

Ça l'amuse ?!

— Assieds-toi.

— Gracias señorita.

J'avais prévu une compréhension écrite pour ce cours. Une manière de fuir la conversation et de faire taire sa voix. Je n'avais pas besoin de ça. Je lui donnai le document et lui laissai le temps de s'y intéresser.

Il fait chaud, dans cette salle...

Je me levai d'un bond et allai ouvrir les fenêtres - cela me rassurait, qui plus était. Les fenêtres étant grandes ouvertes, il n'allait certainement pas tenter quoi que ce soit.

— Bueno, voy a leer el texto, Alejandro.

— Te escucho.

Super...

Je dus me rapprocher de lui afin de lire les lignes.

Pourquoi j'ai écrit si petit, bordel ?

Je commençai ma lecture, en tentant de rester le plus calme possible - c'était déjà un grand pas en avant.

— Écoute moi bien, commençai-je en articulant le plus possible. Je vais te lire le texte, et tu vas repérer les verbes. Hmm... Los verbos.

— J'ai comprrris.

— Je respire où tu palpites, tu sais ; à quoi bon, hélas ! Rester là si tu me quittes, et vivre si tu t'en vas ?

Oh... Cette sensation d'oppression qui reprend...

Dès lors, je pus sentir le parfum de son corps envahir mes narines et emprisonner mes poumons dans une douce frénésie. Je soufflai une fois, puis deux, puis je continuai ma lecture.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant