CHAPITRE 26 - Chiffe molle

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Une chiffe molle.

Voilà ce que t'es.

La jeune femme aux traits fatigués qui se trouvaient devant moi était le reflet de ses péchés. Son visage traduisait la honte, la culpabilité, mais aussi la rancœur.

Était-ce le fait d'être timide comme une provinciale dépaysée qui m'avait valu de me dégonfler face à Giordano ?

Ou était-ce simplement dû au mutisme résultant de plusieurs années vécues dans une immense villa avec des parents défectueux ?

Dans les deux cas, la conséquence était la même : j'avais été incapable de me défendre face à sa nouvelle tentative de me rabaisser.

J'attrapai ma serviette de bain et la déposa à côté du lavabo. Loin de moi l'envie de traverser la pièce cul nu avec ces températures qui se rafraîchissaient à cette époque de l'année. Depuis quelques temps, le soleil avait beau montrer le bout de son nez, la bise froide venait titiller nos pauvres corps douloureux.

Ma pauvre Julia...

Tu vas décidément passer le restant de tes jours à ressasser, stresser, déprimer...

T'es bonne pour l'asile dans quelques années.

Je pensais à Alejandro et à la maturité dont il avait fait preuve lors de son conseil de discipline. Et malheureusement, celle-ci n'avait même pas été soulignée.

Giordano était un réel incompétent - doublé d'un cuistre sans concurrence. Je me demandais comment j'avais pu me foutre dans un tel pétrin. Et surtout, je me demandais pourquoi j'avais choisi ce métier !

Les mots de mon grand-père me revinrent soudain en tête : "C'est le plus beau métier du monde". Certes. Je voulais bien le croire. Nous n'avions en revanche pas la même définition du mot "beau".

Holy shit.

Je me douchai rapidement, impatiente de pouvoir m'affaler sur mon vieux canapé pour décompresser de cette journée. Je préférais oublier ce conseil de discipline, oublier Yanis et ses menaces, oublier les attouchements de ce pervers de Giordano...

Oublier.

M'évader.

Me libérer.

Alors, une fois sortie de la douche, je repris mon téléphone et composai un numéro - ce numéro qui allait tout me faire oublier.

— Nico ? Oui c'est moi.

Sa voix semblait beaucoup plus caverneuse au téléphone qu'elle ne l'était d'ordinaire. Il semblait occupé - ou peut-être contrarié. Dans tous les cas, je comptais bien en profiter ce soir-là. Et Nicolas allait devenir ma porte de sortie.

— Oui. Dis... Tu passes à la maison ?

***

— Alors, que me vaut cette invitation ?

Je n'avais nul besoin d'ouvrir la bouche pour le lui expliquer. Il me suffisait de le lui montrer.

Ainsi, je m'approchai lentement de lui en glissant sur le canapé. Et lorsque je me retrouvai a quelques centimètres de lui, je me penchai pour poser mes lèvres contre les siennes.

Les paupières closes, il se laissa guider. Le baiser que je lui offrais était doux, calme et apaisant. Un baiser teinté d'une affection certaine. Mais bien vite, j'entrouvris la bouche et approchai ma langue pour chercher la sienne. Je voulais le dévorer. Mais il me repoussa doucement, en prenant soin de faire des gestes lents pour ne pas me blesser – à tous les niveaux :

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant