CHAPITRE 20 - Ma cage dorée

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Et voilà.

C'était le grand jour.

L'heure de me rendre à mon premier cours particulier avec Alejandro. L'heure de mettre à profit toutes mes connaissances de cette nouvelle langue. L'heure de l'aider réellement et concrètement à s'intégrer dans notre établissement et dans notre pays. L'heure de... L'heure de rien, en fait.

C'était une heure de cours banale, à la différence près que j'allais enseigner à un seul élève, ce qui allait me faire avancer plus rapidement. C'était loin d'être négligeable.

Il était 14h45.

Une après-midi ensoleillée, durant laquelle, d'ordinaire, je somnolais dans mon appartement, afin de me remettre des quatre heures consécutives du matin. Toutefois, ce jour-là, pas le temps de traîner ou de rêvasser. J'avais du pain sur la planche.

Alejandro terminait sa journée à 14h55, et j'avais prévu de l'attendre devant sa salle afin de lui donner son premier cours de français personnalisé.

Et comme j'étais une professeure assidue, je l'attendis devant la B32 - une charmante salle d'histoire, cours auquel il devait assister comme je pourrais assister à un cours d'histoire au Japon - dès 14h50, afin de ne pas être en retard.

Ces cinq minutes d'attente furent interminables. Mon cœur battait bien plus fort que la norme. J'angoissais. Encore. Si j'écoutais Nicolas et Olivia, il me suffisait de respirer profondément pour me calmer. Mais rien n'y faisait.

Étant encore débutante, le moindre changement dans ma petite vie plate et monotone apportait avec lui l'agitation et la nervosité. Le stress me rendait malade et provoquait en moi de réelles souffrances intérieures.

Je me posais toujours trop de questions, et ne cessais d'imaginer les pires scénarios. Ma mère m'avait toujours dit "Julia, plus tu imagines du négatif, plus tu attires le négatif". J'aurais dû l'écouter plus tôt et déguerpir de la maison dès la naissance !

DRING

DRING

DRING

Si récemment, la sonnerie m'avait sauvé la vie plusieurs fois, elle n'était dès lors qu'une incarnation des cloches de l'Enfer qui me disaient d'abandonner tout espoir.

Mes jambes menacèrent de laisser tomber mon corps sur le sol froid du couloir. Les muscles de mon cœur semblaient pouvoir flancher à chaque seconde qui me rapprochait de mon entrevue avec Alejandro. Il me rendait fébrile, c'était indéniable.

Les yeux larmoyants, j'inspirai profondément, en prenant le temps de ressentir chaque bouffée d'air envahir mes poumons, puis j'expirai encore plus lentement qu'il n'était humainement possible de le faire, vidant mon être de tout son oxygène.

Les carillons dans ma tête se réveillèrent pour créer un orchestre à l'intérieur de mon cerveau. Une migraine incroyable s'empara de mon esprit et ne me permit plus de réfléchir.

Soudain, la porte de la B32 s'ouvrit lentement, laissant apparaître les élèves de la Seconde 2 en train de ranger leur matériel. Les quelques élèves qui avaient terminé de ranger leurs affaires s'étaient agglutinés autour d'Alejandro.

Tiens, ça m'aurait étonné !

Les élèves sortirent de la pièce en me saluant. Pour la plupart. Mais certains, et notamment des jeunes filles, ne firent même pas attention à moi et ne remarquèrent pas ma présence. Trop absorbées par leur nouveau camarade - comme d'habitude - elles ne regardaient même pas où elles mettaient les pieds, menaçant de tomber dans les escaliers. Un sketch. J'observais la scène de près, me retenant de rire.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant