CHAPITRE 61 - Sors de ma tête

104 7 0
                                    

Je devais être honnête avec moi-même : j'étais une vraie loque.

Une sensation comme celle-là, je n'en avais jamais ressenti avant. J'avais les yeux gonflés quotidiennement à force de pleurer à chaudes larmes. J'avais même mal aux abdominaux.

Ceux que je n'ai pas.

Note pour plus tard : devenir humoriste.

Cette sensation était puissante et douloureuse.

J'avais cette impression singulière que mon cœur se laissait déchiqueter en une flopée de minuscules bouts de papiers portés par le vent et m'abandonnant de jour en jour.

Les heures de cours semblaient durer une éternité. Les soirées semblaient durer une éternité. Ma vie merdique semblait durer une éternité.

J'avais tout perdu.

J'avais perdu Olivia, ma meilleure amie depuis tant d'années, à cause d'Alejandro. J'avais perdu Nicolas, car j'avais eu le culot de tomber dans les bras d'un adolescent, ce qui faisait de moi une vraie salope. J'avais perdu tout entrain pour mon métier et me baladais dans les couloirs du Lycée Greyvald comme une ombre.

Mais ce qui me faisait le plus mal, c'était d'avoir perdu Alejandro. Même si je l'avais fait pour le préserver, mon cœur était en miettes et mon corps était en reste.

Le soir, lorsque je pénétrais dans ma chambre et que je la trouvais vide, je me demandais comment j'allais pouvoir survivre douze heures de plus sans lui.

C'était ça, ma vie ?

Tomber amoureuse d'un amour impossible ?

Me rendre compte ensuite que cet amour était beaucoup trop fort et que j'allais certainement détruire sa vie ?

Briser le cœur de la personne à laquelle je tenais le plus en ce monde ?

En l'espace de quelques semaines, j'étais devenue accro à une peau chaude, à des yeux noirs comme le charbon, à des mains agiles, à des cheveux de jais soyeux, à des éclats de rire teintés de malice, à des muscles, à des orgasmes à répétition, à une queue de dix-huit centimètres – et encore -, à une langue habile, à des doigts de fée...

Et il avait fallu tout arrêter, comme ça ?

Juste parce que la société ne voulait pas accepter notre amour ?

Ça ne vaut pas le coup...

J'aurais voulu ne jamais accepter ce rôle de professeur particulier et démissionner en tenant tête à Giordano. J'aurais voulu ne jamais croiser le chemin de ses yeux profonds comme l'éternité. J'aurais voulu ne jamais le laisser m'approcher et toucher ma peau. J'aurais voulu ne jamais ressentir ce feu dans ma poitrine et dans le creux de mon ventre.

Pourquoi j'ai mal comme ça ?!

***

Ce matin-là, j'avais eu du mal à me réveiller. Contrairement à ce que l'on aurait pu croire, j'avais dormi comme un trou, ceci étant certainement dû à toute l'accumulation de fatigue des jours précédents.

Les nausées se faisaient de plus en plus récurrentes : j'étais au bord de la rupture. L'angoisse que me prodiguait ce lycée était au-dessus de tout ce que j'avais pu imaginer. D'aussi loin que je me souvienne, les nausées dues à l'angoisse avaient toujours fait partie de mon quotidien. Or, depuis quelques jours, toutes ces sensations s'accentuaient.

Il était 7h47.

J'étais déjà dans ma salle, aux côtés de Safiya. Cela me faisait du bien que de la voir, de pouvoir lui parler de choses et d'autres. Malheureusement, tout ce qu'il s'était produit depuis quelques mois m'avait éloignée d'elle. Alors, je tentais de renouer les liens qui nous unissaient autrefois. Et dans le fil de la conversation, je trouvai le bon moment pour lui faire une annonce. Une des annonces les plus importantes de ma vie.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant