Les journées suivantes s'enchaînèrent tant bien que mal. J'essayais de me raccrocher aux quelques instants de bonheur que mes élèves me permettaient d'avoir. Je prenais également soin de ne pas croiser notre infâme proviseur, de peur que ses vieilles mains putrides ne se posent une troisième fois sur moi.
En tant que prof, je n'avais que dix-huit heures de cours par semaine, ce qui n'était rien comparé à d'autres qui enchaînaient plus de quarante heures de travail, que ce soit dans le commerce ou en entreprise.
En somme, je ne pouvais pas trop me plaindre.
J'avais en partie réglé les problèmes rencontrés dans mon établissement de fonction, repartant pour une fois sur une note plus positive que jadis. J'avais noué quelques liens avec les pions et notamment celle qui m'avait prise pour une élève quelques semaines auparavant.
Je me rendais compte, petit à petit, que la raison principale pour laquelle la plupart de mes collègues semblaient ne pas vouloir créer de lien avec moi était toute simple : ils préfèreraient se pendre plutôt que de venir exercer dans ce lycée. Au moins autant que moi.
Ainsi, je tentais des approches à coup de "Alors, ils ont pas été trop lourds à supporter aujourd'hui ?" ou à coup de "Alors, on survit ?", afin de leur montrer que moi aussi, j'étais dans le même bateau, et qu'il fallait que l'on soit plus soudé afin de faire avancer ce gros paquebot qu'était notre lieu de travail.
Mais vu le soutien auquel j'ai droit en retour...
C'est plus le Titanic qu'un charmant bateau de croisière.
***
La sonnerie retentit enfin.
Les élèves rangèrent leurs affaires à vitesse grand V, puis se précipitèrent hors de ma salle, courant dans les couloirs et dévalant les escaliers comme une horde de chimpanzés s'étant échappés d'un abattoir : ils couraient littéralement pour leur vie.
J'attendis que le dernier fût sorti de ma salle pour ranger mon matériel et fermer la porte à double tour.
Je pris les escaliers et me dirigeai vers la salle des professeurs afin de me servir un petit thé avant de rentrer chez moi. Rien de tel qu'une boisson chaude pour me détendre et regagner la maison dans la sérénité.
J'arrivai quelques minutes plus tard, traînant mon sac rempli de copies, et en profitant de cette nouvelle bouffée d'air que la fin de la journée m'offrait.
Là, j'aperçus, dans un coin de la pièce, trois de mes collègues - un professeur d'histoire et deux professeurs de sciences - qui discutaient, prenant quelques minutes de bon temps eux aussi avant de rentrer. Ils avaient l'air de se connaître depuis un bon bout de temps et, au moment où j'arrivai dans la salle, deux d'entre eux se retournèrent et m'adressèrent un hochement de tête pour me dire bonjour. Le troisième se contenta de me toiser de haut en bas avec un regard de marbre.
Je me servis un thé vert pomme-cannelle et me dirigeai vers ces fameux collègues, histoire d'engager une conversation et de nouer des liens avec eux.
J'étais toujours seule. Il était temps de faire un peu plus ample connaissance avec les autres êtres humains qui jonchaient l'établissement et à qui je n'avais adressé que des salutations.
— Rhm rhm, me raclai-je la gorge. Bonjour à tous les trois.
— Bonjour, s'exclamèrent deux d'entre eux, le troisième restant muet.
Allez, reste pas figée comme ça, présente-toi !
— Je me présente, je suis Julia Meyer.
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OJOS OSCUROS Noir Désir
RomanceHISTOIRE CORRIGÉE!!! "Le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder." Julia Meyer, fraîchement diplômée, débarque dans un établissement de banlieue pour y enseigner le français. Fuyant une vie de famille envahissante, elle décide de...