CHAPITRE 9 - Le gouffre

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— Où t'étais passée hier soir ? Je me suis inquiété !

Très perspicace.

Le lendemain matin, à peine la porte de la salle des professeurs franchie, Nicolas me sauta dessus.

Oui, bien sûr. Nicolas.

Avec les événements de la veille, j'en avais oublié notre second rencard.

Range la carte de l'honnêteté, Julia.

Sors la carte de la stratégie d'évitement.

— Je me suis endormie, lui assurai-je en évitant son regard lourd et en me préparant un thé bien chaud.

Oh merde, il sait que je mens.

— Tu mens ! T'as les yeux rouges ! Rétorqua-t-il en observant attentivement mon visage gonflé.

Allez, trouve une excuse !

Et vite !

— Je vois pas de quoi tu parles, me défendis-je en prenant une voix plus grave et un ton ferme.

— Parle-moi... M'abjura-t-il, dans un long soupir.

— Je vais bien. Je suis juste fatiguée, mentis-je, gagnant du temps avant de trouver une idée lumineuse pour détourner son attention. Écoute, on remet ça ce soir, si tu veux ! Pour me faire pardonner, je t'invite au restaurant !

Nicolas acquiesça, visiblement satisfait de cette nouvelle proposition. On ne pouvait décidément rien lui cacher, et cela allait être un problème pour moi, moi qui ne souhaitais en rien lui confier mes problèmes.

— Je dois y aller, Nicolas. On se voit ce soir !

— Avec plaisir...

Il vint déposer un doux baiser sur ma joue, sans que je le voie venir. Un baiser chaud. Un baiser réconfortant.

Que c'est bon de se sentir appréciée à sa juste valeur...

Je partis alors la tête haute, prête à affronter ma journée. Je sortis de la pièce et montai les escaliers afin de rejoindre ma salle.

Là, dans le couloir, Safiya passait le balai. Elle époussetait le sol au rythme de la musique orientale projetée par son enceinte portative.

Elle me vit arriver de loin et m'adresser un immense sourire amical qui réchauffa mon pauvre cœur endoloris.

— Oh ! Coucou ma belle ! S'esclaffa-elle, débordant de joie. Comment vas-tu ?

— Ça va, et toi ? Déclarai-je pleine d'entrain en la serrant dans mes bras.

Voir le visage de Safiya était une réelle thérapie. Elle avait des traits réguliers, et une attitude à la fois calme et amusée. Elle respirait la joie de vivre, et c'est ce dont j'avais besoin pour me motiver ce matin-là.

J'étais littéralement dans le déni, refusant de me confier sur les événements déroutants de la veille, refusant de me laisser abattre par cet abus de pouvoir que l'on avait eu sur ma personne.

— Bon, comment ça se passe avec les élèves ? Mieux qu'au début de l'année ? Me demanda-t-elle.

J'avais confié à Safiya, jadis, que mes élèves étaient un poil bourrus et irrespectueux en début d'année, sans pour autant m'attarder sur les détails.

Souvent, lorsque j'avais fini ma journée, elle me rejoignait dans ma salle pour parler de la pluie et du beau temps, et évoquer les événements de la journée. Mais elle était loin de se douter de la tournure qu'avait prit l'ambiance de classe. Aussi décidai-je de la laisser dans l'ignorance, ignorant par où commencer ni comment mettre des mots sur mon malheur.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant