CHAPITRE 40 - Attrape-moi, si tu peux

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Une des pires journées.

Une journée terriblement longue.

Des heures et des heures interminables à attendre la fin de la journée pour enfin rejoindre mon lit et profiter d'un long sommeil réparateur.

Assis confortablement dans le bus, je profitais de ces quarante-cinq minutes pour me détendre et passer en revue tout ce qui s'était passé durant la journée. J'avais tellement écrit que mon poignet était endolori.

Étrange venant de moi...

C'était la première année où je constatais un engagement sans faille. Je n'avais qu'un objectif depuis quelques mois : devenir médecin. J'étais irrésistiblement attiré par la branche scientifique, et il fallait dire que je ne m'en sortais pas trop mal en sciences et en mathématiques.

Pour ce qui était du français et des langues, c'était une autre histoire... J'avais toujours eu une sainte horreur des langues. J'étais bien avec la mienne.

Je détournai le regard, les oreilles bouchées par mes écouteurs, et j'écoutais de la musique typique de mon pays d'origine, qui était maintenant si loin.

Les yeux rivés sur ce paysage maussade, je me remémorais mon passé : j'avais grandi dans une sortie de quartier, et pourtant, la verdure prédominait toujours les rues. La plupart des bâtiments étaient couverts de plantes, ce qui malgré nos conditions de vie difficiles, nous apportait un peu de bonheur.

Ici, tout était gris : les gros blocs de béton que formaient les immeubles se perdaient à l'horizon et nous coupaient de toute vie environnante. Aucune couleur ne se laissait voir, comme si celles-ci avaient été effacées par le train de vie des gens d'ici. J'étais nostalgique de ma vie passée.

Cette vie que nous avions abandonnée pour le bien de tous. En fait, j'abhorrais vivre ici. Je détestais vivre entouré de milliers de personnes pressées, toujours à la hâte pour se rendre à leur travail, à checker l'heure sur leur téléphone dès que l'occasion se présentait.

J'étais fatigué de voir les voitures circuler partout et tout le temps. Fatigué de ne pas profiter de la nature. Fatigué de vivre une existence qui ne m'appartenait plus.

Je me sentais comme en prison.

Une seule chose me maintenait en vie.

Elle.

***

 J'arrivai enfin au dernier arrêt, celui qui desservait mon quartier. Le bus s'arrêta juste à côté des feux tricolores, et je descendis à grand-peine.

J'avais beau être jeune, je sentais mes muscles endoloris me faire souffrir. Les deux heures de sport qui avaient eu lieu de quinze à dix-sept heures m'avaient tué. Une fois que mes baskets blanches eurent touché le goudron, je relevai la tête : je vivais dans un quartier terni par la racaille et les détritus.

L'environnement dans lequel nous avions déménagé ne me seyait guère : l'odeur des poubelles, de l'alcool et de la drogue offrait des relents abominables à mes narines à chaque fois que je traversais la rue.

L'immeuble gisait là, dominant le paysage et bloquant toute vue sur l'horizon. Les plaques de béton armé gardaient la chaleur qui s'engouffrait dans le mince passage qui me séparait encore de notre appartement.

Parfois, des bandes de vauriens traînaient çà et là, sifflant les femmes qui osaient s'aventurer ici à la nuit tombée, menaçant les hommes de les frapper à plusieurs s'ils ne leur donnaient pas de l'argent pour couvrir leurs soirées beuveries.

Voilà la France dans laquelle je vivais, bien loin des valeurs que j'arborais.

Ce soir-là, le vent s'engouffrait dans le mince passage qui séparait les différents bâtiments. Mon cœur battait tout bas sous la bise fraîche. Les seules vies présentes autour de moi se résumaient à quelques oiseaux dont l'âme chantait tendrement. Ces soldats de l'amour virevoltant autour de moi comme s'ils sentaient la douleur dans mon cœur passionné.

OJOS OSCUROS Noir DésirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant